L'édito de Pascal Boniface

Élections en Corée du Sud : quels enjeux stratégiques ?

Édito
17 mars 2017
Le point de vue de Pascal Boniface
La destitution officielle de la présidente PARK Geun-hye va entraîner des élections anticipées en Corée du Sud. Outre l’impact national, elles pourraient avoir des conséquences stratégiques très importantes.

Suite au scandale lié à la présidente Park, le parti libéral est désormais favori. L’éventuel futur président, Moon Jae-in, s’inspire largement de la sunshine policy (politique du rayon de soleil), mise en place par le président Kim Dae-jung en 1998 et poursuivie par ROH Moo-hyun jusqu’en 2008. Cette politique, légèrement inspirée de l’Ostpolitik allemand, prône un rapprochement entre les deux Corées. Il apparaissait préférable au président de l’époque de traiter avec son voisin nord-coréen, quel que soit son régime, afin d’éviter les menaces d’une politique d’ostracisation. N’ayant aucune illusion sur le régime de Pyongyang, les démocrates sud-coréens estiment que, à l’image de l’ouverture des relations entre Allemagne de l’Ouest et Allemagne de l’Est qui avait conduit à la réunification et au démantèlement de cette dernière, un rapprochement – y compris économique – permettrait un atterrissage en douceur du régime nord-coréen.

Moon estime de plus malvenu le déploiement d’un système de défense anti-missile, rapidement proposé par les États-Unis après les essais de missiles balistiques nord-coréens. Il est d’ailleurs paradoxal que le président Donald Trump, qui disait vouloir se désengager de l’Asie et laisser les Sud-Coréens et les Japonais traiter seuls leurs questions de défense, se soit précipité pour y installer ce système. Trump semble même vouloir accélérer le rythme avant la prise de pouvoir du président Moon…Pour Moon, le déploiement d’un tel système ne fait qu’attiser les tensions avec la Chine et la Corée du Nord. Or, dans le passé, Séoul et Pékin, aujourd’hui en très mauvais termes, entretenaient d’excellentes relations. Les campagnes anti sud-coréennes sont très violentes en Chine. À partir des années 1998, la Chine était pourtant bien plus proche de la Corée du Sud que de son allié officiel nord-coréen. Pékin et Séoul entretenaient des relations politique et économique très développées. Les deux pays avaient également en partage une « opposition sourde » à Tokyo du fait de l’héritage historique de la Seconde Guerre mondiale.

Moon souhaiterait à la fois éviter de susciter des tensions avec la Chine et essayer d’entamer un rapprochement avec la Corée du Nord. Bien sûr, il n’y a pas d’illusions excessives à se faire : Pyongyang ne renoncera pas à ses armes nucléaires car c’est la garantie même de la survie de son régime. Même entre 1998 et 2008, malgré de nombreuses promesses, la Corée du Nord n’a jamais dévié de cette politique. Cela étant dit, son caractère nucléaire n’empêche pas la possibilité pour la Corée du Nord d’adopter un comportement moins erratique. Bien sûr, Moon va être accusé d’être irénique, irréaliste et anti-Américain. En réalité, il estime que la Corée du Sud nécessite une alliance avec les États-Unis et non un alignement. Cela rappelle – toute proportion gardée – la posture diplomatique de la France sous la Ve République.

Moon estime surtout que la politique antagoniste avec la Corée du Nord n’a abouti à rien, notamment pas à un apaisement des tensions. Il s’agit donc d’une autre forme de réalisme de sa part : conscient que la Corée du Nord ne renoncera pas à ses armes nucléaires, il pense que la multiplication des contacts, la réouverture des usines en zone franche et une approche plus économique, peuvent éventuellement conduire Pyongyang, si ce n’est à dénucléariser ou à devenir une démocratie, à être moins rigide et plus coopérative.

Malgré les accusations qui vont être portées contre lui, il semble que la politique que Moon souhaiterait mettre en place est au contraire une forme bien plus opérationnelle et réaliste que celle suivie actuellement. Le réalisme n’amène pas obligatoirement à suivre une politique de faucon.
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