L'édito de Pascal Boniface

Guerre en Ukraine : quel bilan un an après ?

Édito
21 février 2023
Le point de vue de Pascal Boniface


 

Le 24 février 2022, Vladimir Poutine s’est lancé dans une guerre qui a pris l’Europe et l’Ukraine par surprise. Il a baptisé cette guerre « d’opération militaire spéciale » car il était persuadé qu’elle serait de courte durée et qu’il en serait victorieux. Mais il s’est bien agi d’une agression armée illégale du point de vue du droit international et qui ne pouvait être justifiée par d’éventuelles erreurs du monde occidental à l’égard de Moscou.

Si bien sûr l’Ukraine et sa population sont bien les premières victimes de la guerre, la Russie et Vladimir Poutine devraient payer un prix fort car aucun des objectifs poursuivis par le maître du Kremlin n’ont été atteints. On peut même dire que c’est exactement l’inverse qui s’est produit. Vladimir Poutine cherchait à contrôler l’Ukraine dans l’objectif de la garder dans l’orbite stratégique de la Russie. Il l’a désormais perdue pour des décennies. Le sentiment national ukrainien a été considérablement renforcé, et ce notamment sur la base d’une hostilité, pour ne pas dire plus, à l’égard de la Russie. Vladimir Poutine voulait montrer sa force. L’armée russe, qui était considérée comme la deuxième armée du monde, a montré sa faiblesse par son manque d’équipements modernes, l’absence de motivation des soldats et l’incompétence des chefs.

La Russie est durablement coupée du monde occidental. Du fait notamment de la multiplication des crimes de guerre commis par l’armée russe, il sera difficile d’envisager un retour à des relations normales entre les Occidentaux et la Russie. Du moins tant que Vladimir Poutine sera au Kremlin.

L’Ukraine est un pays martyr. 6 millions de ses Nationaux ont dû fuir le pays. Ses infrastructures sont très largement endommagées. Une grande partie de sa population est soumise au froid et aux problèmes de ravitaillement. Mais elle et son chef ont trouvé un statut. L’Ukraine était un pays dont on se méfiait, ou on ne voulait pas investir. Elle a désormais obtenu le statut de candidat à l’Union européenne. Zelensky est devenu par son charisme, sa ténacité et son courage le héros du monde occidental. Sa phrase dans les premières heures de la guerre alors que les Américains proposaient de l’exfiltrer et qu’on pensait que les chars russes arriveraient en quelques jours à Kiev « Je n’ai pas besoin d’un taxi. J’ai besoin d’armes » est entrée dans l’histoire.

Les pays européens ont maintenu leur unité, même ils sont divisés sur l’origine et l’issue de la guerre, Baltes et Polonais estimant que c’est parce que le dialogue avec la Russie a été trop important que la guerre s’est déclenchée et que tant qu’elle sera une puissance l’Europe ne sera pas en sécurité, Français et Allemand, et les pays du Sud estimant pour leur part qu’on a peut-être manqué une occasion et qu’il est vain et dangereux d’espérer pouvoir l’écraser.

Toujours est-il que l’Allemagne et la France sont les deux principaux perdants. L’Allemagne est contrainte de mettre fin à son modèle économique basé sur un gaz bon marché venant en large quantité de Russie, la France devant renoncer pour quelque temps à ses rêves d’autonomie stratégique européenne. L’agression russe a suscité une telle peur que les pays européens estiment que seuls les États-Unis peuvent les protéger et qu’il serait dangereux d’entretenir une illusion d’autonomie européenne. L’OTAN, qui était en état de mort cérébrale, selon les propos d’Emmanuel Macron en novembre 2019, ressort totalement revigoré et deux pays neutres comme la Suède et la Finlande veulent y entrer séance tenante. Les États-Unis sont les grands vainqueurs de cette guerre bien sûr parce que pour une fois ils n’y participent pas. La débâcle de Kaboul et la perte de crédibilité stratégique sont oubliées. Les pays européens réclament à cor et à cri le renforcement de leur présence et se tournent vers Washington pour acheter gaz, pétrole et armes.

Cette unité du monde occidental ne doit pas cacher le fait qu’il est relativement isolé du reste du monde. Il y a un nouveau clivage the West versus the rest extrêmement puissant, les pays du Sud global estimant que cette guerre ne les concerne pas directement et qu’ils n’ont pas à suivre la politique de sanctions décrétées, sans leur avis par les Occidentaux.
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