L'édito de Pascal Boniface

 BeIN Sports/Canal Plus: la guerre se détend, le football français en sort gagnant

Édito
7 avril 2014
Le point de vue de Pascal Boniface
 La guerre éclaire qu’a lancée le président de la Ligue de football professionnel, Frédéric Thiriez, sur la vente des droits télévisés, que certains jugeaient hasardeuse, s’est avérée victorieuse. Elle débouche sur une détente entre les deux diffuseurs Canal Plus et BeIN Sports qui se livraient auparavant à une véritable guerre froide.

 

Frédéric Thiriez a avancé l’appel d’offres pour la diffusion de la Ligue 1 et de la Ligue 2 pour la période 2016-2020. Le football professionnel se plaint de la taxation à 75% qui génère une dépense de 44 millions d’euros par an venant s’ajouter à la suppression au droit à l’image collective de 50 millions d’euros. Il réussit à obtenir une progression de 20% par rapport à la période précédente. Au total, le monde du football va toucher 748 millions d’euros des diffuseurs. Le football français rejoignant ainsi le niveau des droits du championnat espagnol. Si elle reste encore loin des droits de l’Angleterre, la France rattrape son retard sur les grands championnats européens.

Elle donne surtout une perspective de moyen terme aux acteurs économiques que sont les clubs qui gagnent en visibilité. À eux de gérer intelligemment cette manne et de ne pas se lancer dans une inflation des salaires, mais de préparer l’avenir en termes d’infrastructures et de structures. À part le PSG et Monaco, tous les clubs professionnels ont réduit leur masse salariale.
 

Le plus grand succès de la Ligue de football professionnel est d’avoir maintenu une concurrence entre les deux opérateurs. Canal Plus a été débouté de sa demande d’annuler l’offre anticipée. Mais aussi, de sa volonté d’interdire à une entité d’être à la fois propriétaire d’un club visant Qatar Sport Investment, de BeIN Sports et du PSG (ce qui est savoureux de la part de Canal, longtemps propriétaire du PSG) et diffuseur.

Canal Plus, après avoir voulu établir un monopole en tuant la concurrence, (ce qu’il a réussi à faire avec TPS puis Orange) doit s’habituer à vivre avec BeIN Sports. La chaîne qatarie, de son côté, a accepté de faire un Yalta intelligent avec Canal, conservant des matchs attractifs pour le noyau dur de ses abonnés, complémentaires aux droits qu’elle va avoir sur les championnats étrangers et compétitions internationales, mais en n’empiétant pas sur le périmètre de Canal Plus, il évite l’accusation d’impérialisme. Canal avait fait une campagne agressive indiquant que BeIN Sports pouvait remettre en cause le financement du cinéma français en mai.

Cet accord évite également à Canal d’avoir un comportement schizophrénique, en lançant d’un côté des campagnes anti-Qatar, tout en se réjouissant de la nouvelle dimension du club dont il préempte systématiquement la diffusion des matchs. L’appel d’offre a été fait à un bon moment où, après des années de disette, le championnat français devient plus attractif. Les droits à l’étranger vont sans doute augmenter.

Sur fond de morosité et de crise économique, la concession des droits est un beau succès. Rappelons que le football professionnel représente 25 000 emplois directs ou indirects et que 5 % des sommes perçues sont reversés au football amateur.
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