L'édito de Pascal Boniface

Ahmadinejad a tort de se réjouir de la chute de Moubarak

Édito
14 février 2011
Le point de vue de Pascal Boniface

Le régime iranien a publiquement salué la chute de Moubarak. Avant celle-ci, il avait exhorté le peuple égyptien à s’en débarrasser. L’agence de presse iranienne s’est ainsi félicitée de la coïncidence de la chute de Moubarak avec l’anniversaire de la révolution islamique le 11 février : « C’est le jour de la victoire des peuples de la région et l’échec des États-Unis et du sionisme ».

Ce triomphalisme du régime iranien n’est pourtant pas de mise. Ahmadinejad et les siens essaient de faire croire qu’ils ont insufflé l’esprit révolutionnaire en Tunisie et en Égypte. Or, ces mouvements étaient nationaux, démocratiques, pacifiques et séculiers. Si le régime iranien se présente lui-même comme étant révolutionnaire et qu’il joue sur l’analogie de vocabulaire avec les révolutions tunisienne et égyptienne, il n’est absolument pour rien dans leur déclenchement et dans leur victoire. L’Iran veut s’attribuer un succès politique auquel il n’a en rien contribué et pour lequel il n’a fourni aucune référence. Il n’a même pas joué le rôle de la mouche du coche.

Est-ce une défaite du sionisme et des États-Unis ? Certes Israël aura désormais un partenaire qui sera moins accommodant – pour ne pas dire docile – que l’était Moubarak. De là à penser que l’armée égyptienne va de nouveau s’opposer à l’armée israélienne, comme l’espèrent publiquement certains dirigeants iraniens, il y a un gouffre qui ne sera jamais franchi. L’Égypte sera plus exigeante à l’égard d’Israël mais ne va pas lui devenir hostile. Cependant, Moubarak étant associé dans l’esprit des Égyptiens à une très forte coopération avec Israël, il est certain que celle-ci sera remise en cause. Le blocus de Gaza devrait probablement prendre fin à terme.

Est-ce une défaite pour les États-Unis ? Pour l’instant, ils semblent contrôler la situation. Ils ont lâché Moubarak comme l’armée égyptienne l’a fait. On peut penser que cette opération a donné lieu à des consultations intenses entre Washington et les militaires égyptiens. Les États-Unis n’ont pas vu venir la révolution en Égypte, mais ils se sont vite adaptés et gardent une forte influence et de nombreux moyens d’action dans le pays.

Enfin et surtout, cette révolte populaire devrait plutôt sonner comme un avertissement pour le régime iranien que comme une confirmation de ses thèses. En fait, les populations tunisienne et égyptienne ont réussi là où la population iranienne a échoué en juin 2009. S’il y a un souffle révolutionnaire, il pourrait ranimer la flamme de la révolte contre le régime en Iran. Ce sont bien les régimes répressifs qui sont visés en premier lieu et non pas les Etats-Unis.
 


 

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