L'édito de Pascal Boniface

 Coupe du monde : la défaite du Brésil ne coûtera pas sa place à Dilma Roussef

Édito
9 juillet 2014
Le point de vue de Pascal Boniface
Désastre, traumatisme, catastrophe nationale. Les mots manquent pour définir l’état d’esprit des Brésiliens aujourd’hui. Et la situation pourrait s’empirer en cas de qualification de l’Argentine pour la finale, voire, summum de l’horreur, si elle remporte le trophée chez elle.

Une équipe moyenne, privée de ses deux meilleurs joueurs et probablement tétanisée par l’enjeu, a pris l’eau contre l’Allemagne, qu’on a déjà connu aussi puissante mais rarement aussi créative. Manifestement, la psychologue censée aider les joueurs brésiliens n’est pas parvenue à ses fins et aujourd’hui, c’est le pays entier qui a besoin d’une cellule de soutien psychologique.

2014 était censé laver l’affront de 1950. Il est venu verser de la soude caustique sur les plaies anciennes et susciter une nouvelle blessure qui, probablement, ne cicatrisera jamais. Une défaite aussi lourde est un événement historique, tant pour l’équipe nationale brésilienne que pour la Coupe du monde.

Le pays tout entier ressent un sentiment d’humiliation et aura le moral en berne pour longtemps.

Il ne faut pas croire pour autant que des émeutes urbaines vont éclater dans tout le pays, qui serait mis à feu et à sang. La contestation politique et sociale va reprendre, mais elle devait de toute façon reprendre dès la fin du Mondial. Celle-ci est simplement avancée de quatre jours et survient dans des conditions que les Brésiliens n’auraient jamais imaginées dans leurs pires cauchemars.

Si les traces du 8 juillet ne s’effaceront pas, le Brésil n’est pas pour autant un pays déchu. Dès le 15 juillet, Dilma Roussef va accueillir le sommet des Brics et conforter le statut diplomatique de pays qui comptent de plus en plus sur la scène stratégique.

Les Brésiliens vont d’ores et déjà préparer les Jeux olympiques 2016. Comme pour la Coupe du monde, il y aura des contestations, des gens qui vont protester contre le coût jugé faramineux de ces Jeux, contre l’allocation des moyens au détriment d’infrastructures sociales ou éducatives. Mais cette contestation n’empêchera pas les Jeux d’avoir lieu, pas plus que la contestation de cette année n’a empêché la bonne tenue de la Coupe du monde.

Rappelons que celle-ci s’est déroulée sans aucun incident, et dans une ambiance festive – jusqu’à hier soir, et en tous les cas, dans la plus grande satisfaction de tous ceux qui se sont rendus sur place. Le formidable potentiel touristique du Brésil, largement sous utilisé, pourrait être plus mis à profit.

La situation économique du Brésil ne sera pas affectée par cette défaite, pas plus qu’elle n’aurait été boostée par une victoire finale.

Si une prise de conscience amène à remettre en cause la gouvernance de la Fédération brésilienne de football, cela sera une bonne chose. Ceci ne peut pas venir du pouvoir politique, car la FIFA veille à l’indépendance des fédérations. Mais la déception du peuple pourrait l’amener à demander des comptes à des dirigeants corrompus et intouchables. Même Pelé, lorsqu’il était ministre des Sports, n’avait pas pu s’attaquer à ce problème.

Les élections présidentielles auront lieu en octobre 2014. Il est peu probable que cette défaite vienne empêcher la réélection de Dilma Roussef.

On peut être triste pour le Brésil, mais il ne faut pas être inquiet pour lui.
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