L'édito de Pascal Boniface

Corée du Nord : le dernier régime totalitaire

Édito
19 décembre 2011
Le point de vue de Pascal Boniface
La mort de Kim Jong-Il vient de faire disparaître le chef d’État du dernier pays totalitaire existant sur la planète. Son régime va t il lui survivre ?

Il y encore beaucoup de dictatures sur terre, la Corée du Nord est le dernier exemple de régime totalitaire où il n’y a ni espace public ni privé de libre. Aucune possibilité d’expression individuelle ou collective, ignorance totale de ce qui se passe à l’intérieur ou à l’extérieur du pays. Économiquement, le régime est au bord de la faillite, la population a, à de nombreuses reprises, souffert de famine et subit des pénuries de toutes sortes. La seule chose qui soit abondante et équitablement répartie, c’est la peur. Seuls les proches du régime et les forces de sécurité ont la garantie d’une consommation à peu près satisfaisante, du moins selon les critères nationaux. Les dirigeants eux, n’ont pas de problèmes.

État nucléaire officieux avec une armée de 1 200 000 hommes pour une population de 24 millions d’habitants, la Corée du Nord fait peser une menace stratégique vitale sur la Corée du Sud et le Japon, et vue l’importance de ces pays sur l’Asie toute entière, la situation dans la péninsule coréenne est potentiellement l’une des plus dangereuses au monde. Une guerre affecterait le monde entier. La Corée du Nord ne pourrait que la perdre, mais elle serait en mesure, avant cela, de faire des dégâts considérables, Séoul est à quelques dizaines de kilomètres de la frontière. Tokyo est également à portée des missiles nord-coréens. Cependant, les dirigeants nord-coréens voulant avant tout se maintenir au pouvoir, ils n’ont pas intérêt à la guerre.

Faut-il espérer un changement avec la disparition de Kim Jong-Il ? Son fils Kim Jong-Un que l’on présentait depuis peu comme son successeur potentiel, a été désigné pour le remplacer. Encore jeune et relativement nouveau dans le paysage politique, sa légitimité interne est faible. Le pouvoir est sans doute exercé de façon collective par un groupe de généraux.

Le problème du régime coréen est que sa faillite le protège. Personne ne souhaite la réunification. Les Sud-Coréens n’ont pas envie, au vu du prix de la réunification allemande, et alors qu’il y avait quatre Allemands de l’Ouest pour un Allemand de l’Est et qu’il n y a que deux Sud-Coréens pour un Nord-Coréen, que l’écart entre les deux Corées est bien plus grand que celui qui existait entre les deux Allemagne, de prendre charge le fardeau Nord-Coréen. Cela signifierait la ruine de la Corée du Sud. Le Japon préfère une Corée divisée à une Corée dont la réunification se ferait sur la base d’un sentiment anti-nippon. La Chine, bien que dépitée de la très mauvaise image que donne la Corée du Nord, n’a pas envie de voir un régime proche des États-Unis s’installer à sa frontière. Pour Washington, la division et l’instabilité sont la justification de la présence stratégique américaine dans la péninsule.

Les dirigeants nord-coréens ont toujours fait souffler le chaud et le froid. Ouvrir leur régime pourrait permettre de bénéficier d’une aide qui pourrait stabiliser la situation économique, satisfaire la population et constituer un succès pour la direction politique du pays. Mais prendre le risque d’ouverture, c’est également prendre celui d’être emporté par un mouvement incontrôlable. Jusqu’ici le choix a été fait de maintenir un régime totalement fermé sur lui-même, assurant un contrôle total d’une population privée de tout, en sachant que les dirigeants vivent eux dans un confort relatif.

La Corée du Nord pourra-t-elle rester à l’abri de la vague des changements et de la montée en puissance des opinions auxquelles on assiste de Tunis à Moscou ? Cette vague de changements devrait conduire les dirigeants nord-coréens à ne pas prendre le risque de l’ouverture par crainte d’être emportés. Ils pensent que la nature totalitaire de leur régime les protège et entreprendre des réformes reviendrait à ouvrir la boite de Pandore, à aller vers l’inconnu et l’incontrôlable, qu’ils détestent.

Mais un régime totalitaire peut-il survivre durablement dans un monde globalisé ?
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