L'édito de Pascal Boniface

 La France nomme un ambassadeur du sport : au temps du soft-power, c’est une bonne nouvelle

Édito
16 janvier 2014
Le point de vue de Pascal Boniface
 Une réunion insolite a eu lieu au quai d’Orsay ce matin. En compagnie de Valérie Fourneyron la ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative, Laurent Fabius a procédé de façon solennelle à l’installation d’un ambassadeur pour le sport (pour le rayonnement sportif de la France) au sein du Quai d’Orsay : Jean Lévy.

Cette présentation officielle faite en présence de Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français et de Bernard Lapasset, président du Comité français pour le sport international est une mini révolution stratégique.

Beaucoup de représentants du monde sportif présents ce matin à la cérémonie venaient pour la première fois au Quai d’Orsay.

Jusqu’ici, la France n’avait pas conçu de diplomatie sportive. Le mouvement sportif avait pour sa part fait de son indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques une priorité. L’époque où le Quai d’Orsay désignait le pays que l’équipe nationale de football pouvait rencontrer dans les années 1920 est bien sûr révolue. Mais entre la dépendance et l’ignorance, il y avait certainement un juste milieu. C’est tout simplement la reconnaissance de l’importance du fait sportif, non seulement sur le plan sociétal, mais également diplomatique.

Il y a en France une indifférence, voire un mépris des élites dirigeantes pour le sport, perçu comme un phénomène populaire et peu valorisant. La République française aime à mettre en avant ses écrivains, ses philosophes, ses artistes, ses scientifiques, etc. Elle répugne à le faire pour les sportifs. Pourtant, ces derniers ont une notoriété et qui dépasse largement les frontières. Le sport est devenu, du fait de sa médiatisation, un phénomène sociétal qui occupe une place de plus en plus importante dans l’espace public. Il n’est qu’à comparer la place relative que lui est accordée dans les médias généralistes maintenant et il y a une génération.

Ce n’est pas parce que le sport est une marotte personnelle pour lui que Laurent Fabius a pris cette décision ; il a bien compris d’un point de vue rationnel, qu’à l’heure du soft power le sport a toute sa place dans le rayonnement d’un pays.

La bataille pour l’image, la popularité, l’attractivité sont multiformes. Le sport y a toute sa place. Il ne s’agit pas seulement de se mettre en ordre de bataille afin de se lancer dans l’ambitieux projet de candidature pour les Jeux olympiques de 2024, il s’agit de faire du sport, à côté d’autres instruments, un élément de valorisation et de notoriété positive pour notre pays.

Il y a des enjeux d’images et également des enjeux économiques qui concernent aussi bien la construction d’infrastructures que le tourisme. L’intérêt du sport c’est que la puissance y est généralement perçue comme populaire. Elle suscité l’admiration et non le rejet.

À l’heure de la globalisation, où les télévisions créent des stades aux capacités illimitées, le sport est devenu un élément de puissance des États. Des démonstrations de force positives qui permettent de conquérir non pas des territoires, mais des cœurs et des esprits. Le sport c’est plus que du sport, et il est heureux que cela soit pris en compte par le ministre des Affaires étrangères.

En 1997, avant la Coupe du monde de football, j’avais proposé à quelques éditeurs de rédiger un livre sur "football et relations internationales". Ils m’avaient ri au nez en m’expliquant qu’il y avait le football d’un côté, les relations internationales de l’autre. Cette époque est heureusement révolue.

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Pascal Boniface est l’auteur de "Le sport c’est bien plus que du sport" (avec Denis Masseglia, éd. JC Gawsewitch, 2013) et de "J.O Politiques" (éd. JC Gawsewitch, 2012).
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