L'édito de Pascal Boniface

Paris truqués dans le football : la corruption est devenue un phénomène global

Édito
5 février 2013
Le point de vue de Pascal Boniface
Malgré l’effet d’annonce que ces révélations représentent, on ne peut pas à proprement parler de surprise. La corruption est inhérente à toute activité humaine et l’histoire du sport est jalonnée de petits et gros scandales, même si elle n’en reste pas moins résiduelle.
 
Nous avions déjà dénoncé, en mai 2012, lors de la publication du livre blanc sur les paris sportifs et la corruption, des faits de ce type (voir l’affaire Bochum par exemple). Nous avions également souligné les nombreux risques qui pesaient sur le monde du sport. Cette affaire confirme malheureusement nos craintes.
 
Le football est plus exposé aux risques
 
S’il est difficile aujourd’hui de dire si la corruption dans le sport est plus présente que par le passé, ce qui est certain, c’est qu’elle a bien changé de forme.
 
Elle s’organise désormais autour des marchés de paris en ligne et met en évidence la forte implication des mafias asiatiques et balkaniques, qui en profitent pour blanchir de l’argent. En un mot, là où la corruption était auparavant nationale, elle est désormais un phénomène plus global. Les frontières ont été repoussées.
 
Le développement des marchés en ligne et du football en tant qu’économie ont également eu comme effet d’introduire plus d’argent dans le jeu. Sa circulation est plus facile, les possibilités de corrompre sont donc nombreuses.
 
Le football, en raison de sa forte exposition médiatique, de sa popularité et de l’argent qu’il génère, est clairement plus exposé à ce type de risques que les autres sports. Ainsi, près de 70% des paris sportifs concernent cette discipline.
 
La nécessité d’une coopération mondiale
 
Si le marché mondial des paris sportifs a bel et bien une part de responsabilité dans le développement de ces phénomènes de corruption, faut-il pour autant les interdire ?
 
Il serait, je pense, illusoire de vouloir éradiquer ces risques de cette façon. Cela n’empêcherait en rien les paris d’exister. Bien au contraire. Ils prolifèreraient toujours autant, mais dans la clandestinité. quoi cela servirait, d’ailleurs, d’interdire les paris en France s’ils prolifèrent ailleurs, en Malaisie par exemple, dans la mesure où le marché est aujourd’hui mondial ?
 
La solution passe plutôt par davantage de régulation, et surtout par une coopération européenne et mondiale en la matière. À ce titre, si la France n’est pas l’abri de trucages, elle dispose d’un système de contrôle et d’alerte très avancé. Le marché français des paris sportifs est notamment protégé par le travail de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL). Mais une régulation à l’échelle nationale est insuffisante.
 
Un défi pour le monde du sport
 
Lutter contre ces phénomènes est une nécessité pour les instances sportives tant il en va de la crédibilité du sport. Elles l’ont bien compris, la FIFA et l’UEFA réagissant très rapidement à la publication de cette enquête.
 
Car pour elles comme pour le sport dans son ensemble, la corruption est un défi du même calibre que peut l’être le dopage. Ce sont les deux principaux dangers qui pèsent sur lui à l’heure actuelle. Deux dangers à combattre sans fatalité.
 
 
Propos recueillis par Sébastien Billard pour Le Plus/Nouvel Obs
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