08.10.2024
« Overbookés » – 3 questions à Rahaf Harfoush
Édito
2 mars 2021
Anthropologue du numérique et consultante en stratégie digitale, Rahaf Harfoush enseigne l’innovation et les business models émergents à Sciences Po Paris en MBA. Elle a fait partie de l’équipe réseaux sociaux de Barack Obama et a été nommée « Young Global Shaper » par le Forum de Davos. Elle répond aux questions de Pascal Boniface à l’occasion de la parution de son ouvrage Overbookés, aux éditions Dunod.
Soumis à l’impératif de productivité, les travailleurs à la connaissance pourraient-ils perdre leur créativité ?
Oui. Les systèmes de productivité obsolètes encouragent l’épuisement professionnel. Sans le temps de récupération approprié, les travailleurs du savoir souffriront d’idées de moindre qualité et feront plus d’erreurs au travail.
Nous avons développé des habitudes de travail qui encouragent le travail sans interruption pendant des heures. La neuroscience nous montre que notre cerveau a besoin de périodes de repos intentionnel. Nous devons nous ennuyer. Nous devons rêver de jour. Nous devons laisser notre esprit vagabonder. Avec des distractions sans fin, des interruptions et trop de réunions, ce dont nous avons besoin pour produire notre meilleur travail devient une rareté.
Je suis choqué que nous ayons continué à utiliser des systèmes qui nuisent aux entreprises de ressources dans lesquelles elles tentent d’investir. Vous ne pouvez pas être innovant, créatif ou stratégique si vous êtes en manque de sommeil ou stressé. Ce n’est tout simplement pas possible.
Le burn out est un phénomène mondial, plusieurs nations ont inventé un nom spécifique pour le désigner…
Il existe différents mots pour le burn out en chinois et en coréen, ce qui indique à quel point le problème du surmenage est répandu. En 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que l’épuisement professionnel était un problème mondial sur le lieu de travail.
Un surmenage prolongé peut entraîner de graves problèmes de santé liés au stress et à l’anxiété prolongés. Cela peut avoir un impact sur le bien-être mental d’une personne et avoir un impact négatif sur ses relations professionnelles et personnelles. C’est quelque chose que les entreprises et les gouvernements doivent prendre au sérieux.
De manière plus urgente, les individus doivent commencer à examiner leurs propres relations avec le travail. Nous pouvons être nos pires patrons et nous ne prenons souvent pas de mesures pour nous aider.
Vous écrivez que la dévotion au travail est un moyen de nous rassurer sur notre propre valeur…
Pour beaucoup de gens, leur travail est un art critique de leur identité, et il est donc important pour eux de montrer constamment aux autres à quel point ils travaillent et à quel point ils travaillent dur. Nous croyons que le travail acharné est synonyme de succès et en disant aux gens à quel point nous sommes occupés ou combien nous travaillons, nous renforçons l’idée que nous méritons notre succès parce que nous luttons pour cela.
Alors que le monde du travail continue de changer, nous allons être confrontés à une cohorte de personnes qui perdront cette partie de leur identité et ressentiront beaucoup d’angoisse.