L'édito de Pascal Boniface

Que retenir du dernier discours d’Obama sur l’état de l’Union ?

Édito
13 janvier 2016
Le point de vue de Pascal Boniface

Barack Obama a prononcé son ultime discours sur l’état de l’Union, exercice traditionnel qui permet au président de livrer à ses compatriotes sa vision de l’Amérique. Il a, à la fois, fait un pré-bilan de ses deux mandats et préparé les échéances électorales de novembre. Bien qu’il n’ait pas de très fortes affinités avec Hillary Clinton, son objectif est bien de barrer la route aux Républicains. L’élection de l’un d’entre eux serait perçue comme un désaveu de sa présidence.


C’est peu dire que les espoirs placés en lui – lorsqu’il a été élu en novembre 2008 – étaient immenses. Tourner la page des sombres années Bush, réconcilier les États-Unis avec le reste du monde en cessant d’avoir une politique étrangère agressive, incarner une Amérique où la question raciale aurait été dépassée, etc. Tout ceci faisait rêver les opinions du monde entier. Une véritable Obamania se mettait en place. Les plus lucides rappelaient que, quels que soient ses mérites, Obama n’avait pas de baguette magique, et que même s’il avait une vision plus intelligente que son prédécesseur, il défendrait avant tout l’intérêt national américain.


Aujourd’hui, le bilan que l’on peut faire est contrasté, mais les éléments positifs l’emportent sur les éléments négatifs.


C’est presque par anticipation qu’Obama avait reçu le prix Nobel de la paix en 2009, car son principal échec est de n’avoir su régler la question du conflit israélo-palestinien comme beaucoup (dont les membres du jury Nobel) l’espéraient. Il n’a ni su mettre fin à l’occupation, ni même empêcher son extension. Netanyahou a, pour des raisons de politique intérieure, gagné le bras de fer qu’Obama avait engagé contre lui.


Les retraits d’Irak et d’Afghanistan ne se sont pas déroulés en bon ordre, en laissant derrière l’intervention américaine des pays pacifiés et stabilisés.
Obama n’a pas pu appuyer sur la touche reset dans les relations américano-russes, en partie du fait de la volonté de Poutine d’affirmer un retour en force de la Russie sur la scène internationale et en partie à cause de la difficulté à Washington à considérer Moscou comme un partenaire, et non pas comme le vaincu de la guerre froide. À cet égard, la poursuite du système de défense antimissile, qu’Obama avait pourtant promis d’abandonner lors de son élection, a joué un rôle non négligeable.


Obama a eu le mérite de ne pas entraîner son pays dans de nouvelles aventures militaires dangereuses. On peut certes lui reprocher d’avoir tracé des lignes jaunes (usage des armes chimiques en Syrie, poursuite de la colonisation israélienne) qui ont été franchies sans qu’il ne réagisse. Mais il a eu le courage et le mérite de parvenir à contribuer à clôturer le dossier du nucléaire iranien, évitant à la fois un Iran nucléaire ou une guerre nouvelle dans la région et permis la réconciliation avec Cuba.


Contesté par ses adversaires républicains sur la fin du leadership des États-Unis, il a rappelé que ces derniers étaient encore la Nation la plus puissante du monde.


Mais il n’est pas allé jusqu’à admettre que si les États-Unis étaient toujours le pays le plus puissant, cette puissance était devenue relative du fait de l’émergence d’autres puissances. Admettre la disparition de la suprématie du monde occidental semble encore chose impossible pour un personnage public américain ayant un horizon électoral.


Face à la menace terroriste, il a battu en brèche l’idée qu’une Troisième Guerre mondiale était engagée contre l’État islamique : « des grappes de combattants à l’arrière de pick-up et des esprits malades complotant dans des appartements ou des garages posent, certes, un énorme danger pour les civils, mais ils ne représentent pas, comme Daech veut le faire croire, une menace existentielle pour notre Nation ». Paroles empreintes de sagesse qui mettent en perspective une réponse calibrée et adéquate aux défis de l’État islamique. En comparaison, les réponses des candidats républicains font froid dans le dos et laissent craindre un engrenage de la violence incontrôlée.


Sur le plan intérieur, le bilan économique d’Obama est excellent. Il a pris un pays en pleine crise et rendra un pays en bonne santé. Il a entre autres sauvé l’industrie automobile américaine et ramené le chômage est au plus bas. Mais il n’a pas empêché le creusement des inégalités et l’Amérique n’est toujours pas un pays où la question raciale est réglée. Du fait d’une décision de la Cour suprême en 2010, le poids de l’argent dans les élections pèse encore davantage qu’auparavant.


La réforme du système de santé Obamacare est quasi révolutionnaire aux États-Unis et mettra fin à une grave source d’injustice. Obama a également lancé des chantiers très importants de lutte contre le cancer (qui au passage fait quand même beaucoup plus de victimes que le terrorisme) et de contrôle sur les armes à feu. Il faudra voir s’il parvient à un progrès avant la fin de son mandat.


Si Obama n’a pas réalisé tout ce que l’on pouvait espérer, y compris d’un point de vue réaliste, il aura néanmoins obtenu des succès certains et évité de nouvelles catastrophes majeures. Même ceux qui sont déçus par son bilan le regretteront amèrement si un candidat républicain l’emporte en novembre.
Tous les éditos