L'édito de Pascal Boniface

Ben Laden, Marrakech, printemps arabe

Édito
2 mai 2011
Le point de vue de Pascal Boniface

Entre la mort de Ben Laden et les attentats de Marrakech, le terrorisme a été au centre de l’actualité.

La mort de Ben Laden est une bonne nouvelle, mais il ne faut pas espérer qu’elle mette fin au terrorisme. Cela va accentuer le déclin d’Al Qaïda, mais pas mettre fin à son existence. Oussama Ben Laden symbolisait le terrorisme, il en était la figure incarnée, mais il ne résumait pas le terrorisme à lui seul. Cela va conforter la position d’Obama qui a réussi là où Georges Bush avait échoué. Cela permettra plus facilement, politiquement et médiatiquement, d’opérer une négociation avec les Talibans sur l’Afghanistan.

Mais au-delà des moyens sécuritaires, on sait aussi que le terrorisme se combat par des moyens politiques. Il ne se faut pas lutter que contre ses effets, mais aussi contre ses causes. La résolution du conflit au Proche-Orient, et dans l’arc de crise qui va jusqu’en Afghanistan, y contribueraient puissamment. La démocratisation en cours dans le monde arabe également.

L’attentat de Marrakech, qui a fait 16 morts, visait à la fois le printemps arabe et le processus de réformes en cours au Maroc. Il n’a pas encore été revendiqué mais le plus probable est qu’il ait été organisé par Al Qaïda.
Qu’espèrent ceux qui ont commis ces attentats ? Que cédant à la peur, la libéralisation du système politique marocain s’arrête, et qu’un tour de vis sécuritaire soit donné au nom de la lutte contre le terrorisme et de la protection des intérêts économiques et touristiques du royaume.
Tout n’est pas rose dans le royaume. Il y a encore de graves injustices sociales, l’alphabétisation peut progresser, la condition féminine peut être améliorée.

Mais avant même le début de ce que l’on appelle communément le printemps arabe, le Maroc était considéré comme un pays plus avancé que ses voisins, en termes de liberté d’expression et de respiration démocratique. Lorsque la contestation s’est enracinée, il y a eu des régimes qui sont tombés (Tunisie, Égypte), d’autres qui sont entrés dans une guerre civile (Libye), d’autres qui ont répondu par une répression souvent violente (Yémen, Bahreïn, Syrie), d’autres qui n’ont pas bougé parce qu’il n y avait pas beaucoup de demandes politiques (Qatar, Émirats Arabes Unis). Il faut bien reconnaître que le Maroc est celui qui a le mieux réagi aux demandes. Dans son discours du 9 mars, le roi a annoncé d’importantes réformes politiques et une accentuation de la démocratisation du pays. C’est la réponse la plus intelligente, les régimes qui ne comptent que sur la seule répression pour se maintenir en place sont condamnés à terme. Ils peuvent gagner quelques semaines, ils ne resteront pas des années uniquement en faisant tirer sur la foule. Cette époque est révolue. Ce qui a été possible en Syrie en 1982 – Hafez El Assad a tué plus de 20 000 personnes sans que cela n’ait de conséquences interne ou internationale -, n’est plus possible à l’heure de la globalisation. Bien sûr, la sévérité des puissances extérieures est toujours relativement indexée sur l’état des relations qu’ils ont avec le pays concerné, mais il y a désormais des limites qu’on ne peut plus franchir. Le climat de liberté qui règne au Maroc n’est pas un handicap mais un atout extrêmement important : revenir en arrière ne pourrait que faire rentrer le royaume dans un cycle répression – contestation violente, qui serait plus beaucoup plus dommageable pour son économie, pour son image et pour son attractivité touristique. Mohammed VI, en se rendant sur place 48 heures après l’attentat, a eu la bonne réaction et a une nouvelle fois développé son image de proximité avec son peuple. Il ne faut pas ralentir l’ouverture mais l’accélérer et approfondir l’effort en faveur de plus de justice sociale.

La lutte contre le terrorisme repose sur deux pieds : il y a un volet sécuritaire indispensable, mais le volet économique, social et politique est encore plus important. Il faut non seulement combattre les effets du terrorisme mais également ses causes.
 


 

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