L'édito de Pascal Boniface

Politique étrangère et élections présidentielles

Édito
18 août 2011
Le point de vue de Pascal Boniface

D’ici 10 mois les Français éliront leur Président de la République. Quel sera la place de la politique étrangère dans le choix des électeurs ?
En France, comme ailleurs, les citoyens se déterminent avant tout sur des critères économiques et sociaux. Les questions internationales, mises à part les périodes de tension extrême ou de guerre, ne sont jamais prioritaires. Elles ne sont pas pour autant mineures et aucun des candidats ne fera l’erreur de les négliger, et ceci pour plusieurs raisons :

1) Si on ne gagne pas une élection présidentielle sur les questions stratégiques, on peut les perdre sur ces sujets. Un candidat qui n’apparaîtrait pas suffisamment crédible pour pouvoir représenter ou défendre les intérêts du pays à l’étranger ne pourra pas être élu.

2) Les Français plus que d’autres sont très attachés à l’image de leur pays et au rôle spécifique que celui-ci peut jouer sur la scène internationale.

3) Les Français ont intégré que la mondialisation, en bien ou en mal, a produit ses effets et qu’il n’est plus possible de négliger ce qui se passe en dehors de nos frontières. Ils sont par ailleurs nombreux, au travers d’associations de tous types, à s’intéresser et même à être actif sur des questions internationales.

4) Le régime de la Ve république attribue des pouvoirs essentiels en matière de défense et diplomatie au Président de la république. C’est donc l’élection où les questions internationales jouent le plus grand rôle.

5) Les élections risquent d’être serrées, les candidats ne veulent négliger aucun aspect. Les questions diplomatiques, si elles ne constituent pas le critère numéro un du choix des électeurs, peuvent néanmoins faire la différence.

Nicolas Sarkozy espère que la dimension internationale jouera en sa faveur. Il est le président sortant, il peut mettre en avant son expérience et sa fréquentation des grands de ce monde.

L’investissement sur les questions internationales fait partie de sa stratégie de « re-crédibilisation » de son personnage auprès des électeurs français, alors qu’il est au plus bas dans les sondages. Elle porte prioritairement sur trois dossiers : la gouvernance économique mondiale, la Libye, l’Afghanistan.

Il veut donner l’image d’un président actif qui se saisit à bras-le-corps des dossiers et obtient des résultats là où d’autres se seraient découragés.
L’an dernier, à la même époque il misait beaucoup sur la présidence à venir du G8 et du G20, pour avoir un rôle leader dans la réforme de la gouvernance économique mondiale.

Les propositions françaises n’ont pas eu l’écho espéré. La crise économique et financière rebondissant à l’été, Nicolas Sarkozy est de nouveau au premier plan. Mais si les résultats ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées, son implication pourrait avoir un effet boomerang. Il voudrait pouvoir dire aux électeurs que son action a jugulé la crise. Si elle – ou ses effets – persiste, il en sera tenu responsable.

En Libye, Nicolas Sarkozy a fait le pari que sa position en flèche pour l’intervention militaire contre Kadhafi, effacerait des mémoires les images de la réception fastueuse et controversée qu’il lui avait réservée trois ans plus tôt et le retard à l’allumage de la diplomatie française face au printemps arabe. Sarkozy espérait obtenir dans le monde arabe un type de popularité comparable à celle de Jacques Chirac après son refus de la guerre d’Irak en 2003.

L’impopularité en France et à l’étranger de Kadhafi atteignant des sommets et tablant sur des défections qui l’isoleraient rapidement en Libye, l’opération paraissait sans risque.

Si le massacre annoncé sur Benghazi a été évité, la croyance dans une victoire rapide – et la volonté de s’en attribuer le mérite – a conduit à abandonner le concept prometteur de « responsabilité de protéger » au profit d’une cobelligérance problématique et de reconnaître dans la précipitation le CNT – au détriment d’une position européenne commune.

Sarkozy est certainement populaire dans une partie de la Libye, dans le monde arabe on retient plutôt le refus d’accueillir des réfugiés tunisiens et des postures de politique intérieure jugées hostiles à l’islam.

Le renforcement de la présence militaire française en Afghanistan pose problème au moment où la liste des soldats tués s’allonge. Voulu pour se rapprocher des Américains et justifié par la nécessité de mettre les Talibans hors d’état de nuire, il n’a permis ni l’un ni l’autre.
 


 

Tous les éditos