L'édito de Pascal Boniface

Obama nomme Hagel à la Défense : la fin du suivisme des États-Unis envers Israël

Édito
16 janvier 2013
Le point de vue de Pascal Boniface
Le choix de Chuck Hagel comme secrétaire à la Défense par Barak Obama a pu surprendre. Non pas parce qu’il est républicain. Son prédécesseur l’était également et il y a une longue tradition américaine de nomination non-partisane, notamment à la Défense.
 
Ce qui est plus inhabituel, c’est que lorsque son nom a été évoqué pour la première fois, les organisations pro israéliennes ont déclenché un tir de barrage. Barak Obama est passé outre, leur infligeant une défaite politique à laquelle elles n’étaient plus habituées depuis longtemps.
 
Ces mêmes organisations avaient déjà subi une lourde défaite lors des élections. Bien qu’elles aient fait activement campagne pour Mitt Romney, 70% des juifs américains avaient néanmoins voté pour Obama.
Les organisations pro israéliennes reprochent à Chuck Hagel de s’être opposé à des sanctions et à des frappes contre l’Iran, de ne pas être hostile aux contacts avec le Hamas et le Hezbollah, d’avoir utilisé le terme de lobby juif pour décrire les groupes de pression pro israéliens de Washington et de dénoncer leur influence excessive sur les élus du Congrès. Ils lui reprochent surtout de ne pas totalement adhérer aux thèses du gouvernement israélien.
 
Bien sûr, le choix d’Obama n’est pas uniquement lié à la question israélienne. Avec Chuck Hagel, c’est un véritable héros de guerre qui est nommé au Pentagone. Il dénote par rapport aux "poules mouillées faucons", ces responsables politiques et intellectuels va-t-en-guerre qui, sous George Bush, envoyaient d’autant plus facilement les soldats au combat qu’ils n’y avaient eux-mêmes jamais participé (on a les mêmes en France).
 
Comme l’a dit Obama, Hagel sait que la guerre n’est pas une abstraction. Il a besoin également de ce fort tempérament pour réduire un budget militaire disproportionné qui pèse négativement sur l’économie américaine.
 
Par ce geste simple, Obama a, en tous les cas, montré qu’il ne fallait pas surestimer le poids réel de ces organisations, tout comme le résultat des élections a montré que leur influence électorale était largement surestimée. Comment ceux qui se sont opposés préventivement à la nomination de Chuck Hagel ont-ils réagi ?
 
David Harris, le directeur de l’American Jewish Committee a déclaré : "Nous ne sommes pas dans le camp de l’opposition, nous sommes dans le camp des préoccupés".
 

Abraham Foxman, de l’Anti-Defamation League, a déclaré qu’Hagel n’aurait pas été son premier choix mais qu’il respecte les prérogatives du président. Affirmer qu’il ne les respecte pas aurait pu paraître singulier mais c’est bien ce qui a été fréquent au cours des trois dernières années. Obama a été humilié comme jamais aucun président américain ne l’a été par le gouvernement israélien et ses plus ardents avocats aux États-Unis.


 
Les groupes de pression prendront-ils le risque et auront-ils la capacité de faire échouer la confirmation de Hagel par le Sénat ? Cela ouvrirait un débat public qui pourrait être déstabilisant pour eux.
 
Il ne faut cependant pas en conclure que les États-Unis vont cesser de soutenir Israël. Ils vont simplement mettre fin à un suivisme aveugle et contre-productif d’un gouvernement qui ne méconnaît pas seulement les intérêts de la paix mais également les intérêts nationaux américains et même ceux d’Israël à long terme.
 
Comme l’a écrit l’éditorialiste américain Roger Cohen, "ceci va conduire à un vrai débat sur ce qui est réellement l’amitié avec Israël". Pour lui, il n’est en rien un soutien inconditionnel.
 
Washington va continuer de soutenir Tel Aviv. Il va cesser de le faire inconditionnellement. Bref, revenir à ce qui se faisait avant George Bush fils.
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