L'édito de Pascal Boniface

Al-Qaïda : de l’Afghanistan au Yémen ?

Édito
16 septembre 2010
Le point de vue de Pascal Boniface
Selon l’International Herald Tribune du 16 septembre, les responsables du Pentagone et du département d’État seraient très divisés sur l’ampleur de l’aide à accorder au Yémen qui apparaît comme la zone test pour contrer la menace d’Al-Qaïda.

Alors que le réseau terroriste implanté au Yémen pourrait menacer d’entreprendre de nouvelles attaques contre les Etats-Unis, le U.S Central Command a proposé au Yémen une aide militaire pour un montant de 1,2 milliards de dollars pour les six prochaines années. L’aide militaire accordée au Yémen est déjà passée de 5 millions de dollars en 2006 à 150 millions en 2010.

Cette aide matérielle monumentale s’accompagnerait d’un renforcement de la présence militaire américaine au Yémen. Les opposants de cette ligne redoutent qu’elle ne puisse au contraire déstabiliser un peu plus le pouvoir du président Ali Abdullah Saleh.

On se rappelle que le jeune nigérian qui avait failli faire exploser un vol partant d’Amsterdam pour aller à Detroit aurait été entraîné au Yémen. Selon la représentante au Congrès, Jane Harman (Démocrate, Californie), membre du Commitee on Homeland Security, le risque pour les États-Unis est plus grand d’être attaqué par quelqu’un qui aurait été entraîné au Yémen qu’en Afghanistan.

Ce projet soulève plusieurs questions. On estime, à l’heure actuelle, qu’il y a entre 500 et 600 militants d’Al-Qaïda implantés au Yémen. Est-il ainsi réellement judicieux de construire une superstructure militaire pour lutter contre ce groupe ? N’y a-t-il pas, au contraire, un danger à renforcer l’opposition à la présence militaire étrangère si elle devait monter en puissance et de rentrer dans un cercle vicieux où le combat contre Al-Qaïda nourrit ses possibilités de recrutement. N’est-il pas, par ailleurs, contradictoire de renforcer de 30.000 hommes la présence militaire sous le motif que c’est là que se joue le combat central contre le terrorisme ? Si un nouveau front, censé être aussi – voire plus – important est ouvert au Yémen, je sais très bien que poser ce type de question conduit immédiatement à être accusé de complicité avec le terrorisme ou de réflexe munichois. Mais ne serait-il pas temps de ne pas se contenter d’une approche émotionnelle de la question et d’entamer une véritable réflexion stratégique sur les raisons et motifs du développement du terrorisme et les moyens de l’endiguer, plutôt que de se contenter par commodité intellectuelle et par prudence politique, de se concentrer sur des réponses militaires dont on voit bien, de l’Afghanistan au Yémen, qu’elles ne sont que très modérément opérationnelles ?
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