L'édito de Pascal Boniface

Chine-États-Unis : dialogue et tensions

Édito
16 novembre 2021
Le point de vue de Pascal Boniface
Suite au sommet virtuel ce 15 novembre 2021 entre les présidents chinois et américaine Xi Jinping et Joe Biden, Pascal Boniface revient sur la rivalité sino-américaine.

 

Les bases d’une cohabitation pacifique des deux puissances chinoise et américaine n’existent plus. Jusqu’ici, la Chine ne remettait pas en cause le leadership mondial des États-Unis et ces derniers ne s’intéressaient pas à la nature du régime chinois. Aujourd’hui, Pékin revendique la première place mondiale et Washington ne cesse de mettre en avant le caractère autoritaire et dictatorial du régime. S’il est vrai qu’il y a une crispation autoritaire de la part de Xi Jinping, on ne peut pas dire que la Chine était un régime ouvert, transparent et libéral qui se serait fermé depuis. Lorsqu’en 1972, Nixon et Kissinger établissaient un partenariat stratégique de fait avec Mao, la Chine n’avait rien d’une démocratie paisible. L’argument des restrictions aux libertés en Chine existe, mais ce n’est pas le véritable motif de l’opposition des États-Unis. La véritable motivation est bel et bien la montée en puissance de la Chine.

Nulle tentation de la part des dirigeants chinois de proclamer la supériorité du modèle occidental, bien au contraire.

Les deux modèles se font face avec le sentiment d’États-Unis qui accumulent les difficultés du fait, notamment, de leurs interventions militaires coûteuses financièrement, politiquement en termes de prestige et stratégiquement, et d’une Chine qui avance méthodiquement tant dans les instances multilatérales stupidement désertées par Donald Trump que dans la multiplication des relations bilatérales. La Chine est désormais le premier partenaire commercial d’environ 120 pays contre 60 pour les États-Unis.

En avril 2019, dans une conversation téléphonique entre Donald Trump et l’ancien président américain Jimmy Carter par lequel le président en exercice souhaitait remercier son prédécesseur pour son soutien dans la tentative de négociation avec Kim Jong-un, ils abordaient les problèmes que posait la montée en puissance de la Chine. Jimmy Carter déclara la chose suivante. « Nous avons établi des relations diplomatiques en 1979, lorsque j’étais président. Depuis cette date, les États-Unis ont constamment été en guerre, la Chine ne l’a jamais été. » C’est certainement une, certes pas la seule, explication du rattrapage chinois.

La Chine ne va pas stopper sa montée en puissance parce qu’elle a pour effet de susciter l’anxiété aux États-Unis. Y a-t-il un moyen de trouver les voies de codifier la rivalité et la coopération entre les deux ? Force est de constater qu’ils ont tous les deux relancé la course aux armements et qu’il n’y a aucune voix pour prôner une nouvelle politique de maîtrise des armements, de modération des comportements, de mise en place de mesures de confiance qui avaient pourtant si bien permis de faire baisser les tensions entre Moscou et Washington.

Les États-Unis ne sont pas les seuls à s’inquiéter de la montée en puissance de la Chine, ou du moins des répercussions qu’elle a sur la diplomatie chinoise. Celle-ci est de plus en plus « assertive », sure d’elle-même et a du mal à éviter la tentation dominatrice.

Il est aisé de comprendre la volonté chinoise d’oublier le siècle des humiliations, il est moins recevable de penser que le siècle de la reconstruction pourrait ou devrait être suivi de celui de la domination. Le multilatéralisme tel que la Chine le conçoit n’a pas toujours la même définition que celle retenue dans les autres capitales. La tentation de bénéficier des rapports de force très favorables dans les relations bilatérales inquiète de nombreux partenaires. Et les pays de l’ASEAN, s’ils redoutent une confrontation entre Pékin et Washington, estiment pour certains que le maintien d’une présence américaine est une garantie pour l’avenir. Le risque pour la Chine est de tomber à son tour dans l’hubris. Certes, Pékin aime à rappeler qu’elle n’a jamais été impérialiste, qu’elle n’a jamais eu l’esprit de conquête. Mais, dans l’histoire, toute puissance numéro un a voulu l’utiliser pour imposer sa volonté aux autres.

N’y a-t-il jamais eu dans l’histoire une puissance dominante qui n’a pas voulu abuser de sa position ? Pourquoi la Chine ferait exception ?

Ce qu’il faut c’est lui montrer qu’elle aurait plus à perdre qu’à gagner en allant vers cette voie. Les États-Unis semblent avoir choisi la voix de l’affrontement et de la course aux armements pour maintenir leur propre domination. L’Europe doit se montrer ferme et disponible et faire valoir ses propres intérêts.

 
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