L'édito de Pascal Boniface

L’armée française intervient au Mali : précipité mais nécessaire

Édito
16 janvier 2013
Le point de vue de Pascal Boniface
Les choses ne se passent pas comme prévu. Initialement, la France devait aider l’armée malienne à se former, afin de pouvoir reconquérir les territoires perdus sur une période de plusieurs mois.
 
Or vendredi soir, ordre a été donné de déployer les premières unités françaises à Bamako.
 

Le Mali risquait une "somalisation"




Cette intervention inattendue et précipitée de la France au Mali est consécutive à une intervention elle aussi inattendue et précipitée des miliciens islamistes, contrôlant déjà le nord du pays. Il n’y a pas eu de changement de la politique française, mais une modification brutale du calendrier.
 
L’avancée rapide des islamistes ces derniers jours a fait sauter un verrou ; elle n’a pas laissé le choix à la France. Le Mali risquait une "somalisation".
 
Immédiatement, nous pensons à nos compatriotes otages dans ce pays. On peut penser que paradoxalement, une intervention militaire de la France ne les met pas plus en danger qu’ils ne l’étaient auparavant. Leur valeur politique et marchande est toujours la même pour leurs ravisseurs.
 
Les accusations de néo-colonialisme ne tiennent pas



On peut dégager quatre risques principaux à l’implication de la France dans le conflit malien :
 
1- Celui des pertes humaines. Il est inhérent à la guerre, mais nous pouvons compter sur le professionnalisme de l’armée française.
 
2- Les accusations de néo-colonialisme, nombreuses sur les réseaux sociaux depuis vendredi soir..Cette accusation de néo-colonialisme est minoritaire au Mali et en Afrique en général – précisons que c’est le pouvoir malien qui a fait la demande de cette intervention militaire.
 
3- Le risque traditionnel d’enlisement du conflit. Il est impossible à déterminer à ce jour. Mais encore une fois, le pire aurait été de ne rien faire.
 
4- Même en cas de victoire, le jour d’après. Nous savons d’expérience que lorsqu’une force occidentale emporte une guerre en territoire étranger, les vrais problèmes commencent quand elle se retire.
 
Il faut jamais comparer une situation idéale à une situation réelle.Il est risqué d’intervenir certes, mais les risques à ne pas le faire auraient été encore plus grands.Le cas echéant, on aurait reproché à François Hollande sa passivité et son impuissance. Lorsqu’on fait la balance entre avantages et inconvénients, elle penche en faveur de l’intervention.
 
Plus tard eut été trop tard
 
La France est assez isolée dans cet engagement militaire. Elle avait le choix entre attendre que d’autres pays se rallient à sa position, impliquant une intervention plus tardive et donc trop tard, et intervenir rapidement, en solitaire, ce qu’elle a fait.
 
Notons néanmoins que les Nations unies avaient adopté en décembre à l’unanimité la résolution 2085, permettant le déploiement d’une force militaire internationale pour reconquérir le nord du Mali. La Russie a entériné cette décision en vertu du principe d’intégrité et de souveraineté d’un pays auquel elle est attaché. Ceci explique pourquoi elle fait blocage sur la Syrie et pas sur le Mali.
 
Hollande soutenu par patriotisme… et par réalisme
 
Politiquement, François Hollande se retrouve dans la situation traditionnelle d’une entrée en guerre : un alignement patriotique et un consensus national par déférence envers nos militaires en intervention.
 
Au sein des différents partis politiques, personne ne va à l’encontre d’une intervention militaire de la France. Le FN et le Front de gauche sont certainement moins allants que les autres, mais sans opposition frontale non plus.
 
La suite pour Hollande dépendra des événements sur le terrain. Si l’issue est positive, le chef de l’Etat aura de quoi réfuter toutes les accusations de mollesse et de manque de leadership. Le risque réside bien évidement dans l’issue contraire, celle d’un enlisement.
 
Mais soyons réaliste : la France intervient dans le conflit malien parce qu’il se situe à hauteur de ce qu’elle peut faire. Comme toujours, le discours sur les valeurs est réel mais excessif. S’il ne fallait agir qu’au nom des valeurs, nous interviendrions partout, à commencer peut-être par la RDC. La France entre en scène au Mali pour des raisons morales certes, mais aussi et surtout parce que c’est dans ses intérêts, qu’il y a de nombreux Maliens en France, de nombreux Français au Mali et que l’opération est faisable et à la hauteur de ses moyens.
 
Propos recueillis par Hélène Decommer.
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