L'édito de Pascal Boniface

Le remaniement ministériel, la politique étrangère et les élections de 2012.

Édito
17 novembre 2010
Le point de vue de Pascal Boniface
Attendu depuis longtemps, le remaniement ministériel a eu lieu ce week-end. On a beaucoup commenté les aspects de politique intérieure de ce remaniement, notamment par rapport à la composante centriste de la majorité présidentielle.

Il est intéressant de voir que la composante de politique étrangère est également importante.
La politique revendiquée de rupture par Nicolas Sarkozy , concernait également la diplomatie de la Ve république. Certains le félicitaient, d’autres le blâmaient, pour mettre fin à ce qu’il est convenu d’appeler le gaullo-mitterrandisme. Relations avec les Etats-Unis, réintégration dans l’OTAN, appartenance revendiquée au monde occidental, politique arabe de la France, politique africaine, relations avec la Russie et la Chine, étaient autant de chantiers sur lesquels le président entendait marquer sa différence. La nomination de Bernard Kouchner, théoricien du droit d’ingérence au Quai d’Orsay, était censée symboliser cette rupture avec la realpolitik. La suite a été différente. Le ministre des Affaires Etrangères a vu son rôle réduit et la part de continuité a été plus forte que celle de rupture.

Mais nous sommes désormais dans une nouvelle phase. Un moment sur la sellette, le premier ministre François Fillon a été reconduit et donc renforcé. Il est l’un des représentants de la tradition gaulliste au sein de l’UMP. Les deux ministères régaliens, Défense et Affaires Etrangères, ont également été attribués à des personnalités se revendiquant être de la tradition : Alain Juppé et Michèle Alliot-Marie. Le nouveau secrétaire d’État aux Affaires Européennes, s’il ne s’inscrit pas dans cette tradition, remplace Pierre Lellouche, considéré comme proche des néoconservateurs américains. Il y a donc un véritable coup de barre politique pour ces ministères.

Il y a bien sûr la volonté de s’entourer de deux ministres réputés pour leur solidité, au moment où, de la présidence du G20 à la guerre d’Afghanistan, les dossiers internationaux sont importants et peuvent contribuer au prestige national du président.

Il y a surtout la volonté de préparer d’ores et déjà les échéances politiques de 2012. Le nouveau cours de la politique étrangère de Nicolas Sarkozy, pour être une rupture moins forte dans la réalité que dans la perception, pouvait commencer à devenir un problème pour le président.
À droite, Dominique de Villepin s’engouffrait dans la brèche de la critique d’un d’abandon du gaullisme et d’une perte de prestige de la France, d’une diminution de l’indépendance nationale. Outre la thématique d’une politique des droits de l’homme faite selon elle plus sur une posture que sur une réalité, la gauche faisait également de l’abandon d’une politique gaullo-mitterrandiste, l’axe de sa critique de la diplomatie de Nicolas Sarkozy. Il s’agit donc pour ce dernier de faire face à ce type de critiques pour se préparer aux échéances de 2012. La suppression d’un ministre en charge de l’identité nationale relève également de ce calcul.

Ce n’est pas sur la politique étrangère que les Français se détermineront principalement pour désigner leur président, mais cet élément comptera et si les décisions se jouent à peu de choses comme c’est généralement le cas, il est important de ne pas perdre sur ce terrain auquel les Français restent sensibles.

Le retour à une posture plus conforme à la tradition gaullo-mitterrandiste est à analyser dans ce contexte, et montre qu’elle est toujours populaire auprès des Français.
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