L'édito de Pascal Boniface

Réponse à Jean Daniel sur BHL

Édito
22 avril 2011
Le point de vue de Pascal Boniface

Dans un article du 19 avril de son blog*, Jean Daniel rend un hommage appuyé à Bernard-Henri Lévy et se demande pourquoi on lui "cherche des querelles". La réponse qu’il avance est dans le "paraître", "l’exhibition" du personnage, voire même "un excès de don".

Non, cher Jean Daniel, ce n’est pas tout à fait cela. Certes, on peut se demander si BHL sert des causes ou s’il se sert d’elles. Que de publicité donnée à ses actions, réelles ou supposées, par rapport à toutes les ONG présentes au quotidien sur tous les fronts ! Mais le problème est plus profond. BHL est en fait dans une situation paradoxale : quasi unanimement célébré par les élites politiques et médiatiques, il est largement rejeté par le public. L’adoration des premiers est parfois sincère, parfois servile. Le rejet du second est parfois ironique, parfois violent. Serait-il le fruit de la jalousie ? Non. Tout simplement, le public est informé des différentes affabulations de BHL, de ses rapports élastiques avec la vérité, du caractère mensonger de nombre de ses affirmations.

Qu’il se mette en scène passe encore. Mais qu’il affirme être ami de Massoud avant de l’avoir rencontré, un proche de la famille de Daniel Pearl alors que ceux-ci ont jugé plus que sévèrement sa "romanquète", qu’il ait multiplié des témoignages de ses exploits dont de nombreuses contrenquêtes ont montré le caractère fallacieux, tout ceci et bien d’autres choses encore, pour ne pas parler de l’affaire Botul, sont connus et provoque le rejet du public.

Celui-ci est d’autant plus fort que les élites médiatiques, bien que sachant tout cela (s’ils ne le savent pas c’est qu’ils sont vraiment mal informés), font néanmoins preuve de complaisance avec BHL, cette connivence suscite un supplément de colère du public, qui se rend bien compte qu’on essaie de le tromper.

On lui reproche également ses indignations sélectives, qui lui font condamner les bombardements de population civile en Libye, alors qu’il les soutient à Gaza ou au Liban. Indignations sélectives également dans la mesure où il traitera rapidement d’antisémite quelqu’un qui aurait des positions comparables à celles de Jean Daniel (ou d’Hubert Védrine) sur le conflit du Proche-Orient, mais qui n’aurait pas les mêmes positions de pouvoir.

Qu’il mette son réseau au service de sa gloire amuse ou irrite. Le battement médiatique qui précède ou suit chacun de ses livres n’a aucun effet sur les lecteurs qui ne les achètent plus. Mais qu’il s’en serve pour procéder à des excommunications publiques ou discrètes, qu’il essaie d’interdire professionnellement ceux qui lui déplaisent nourrit la rancœur à son égard.

C’est le goût pour la sincérité et le respect de la vérité qui fait que l’on « cherche des querelles » à BHL. C’est la trop grande liberté qu’il prend avec la vérité, les écarts impressionnants qu’il commet à l’égard de l’honnêteté intellectuelle qui expliquent cela. Il a trop souvent menti pour qu’on croit à sa sincérité.

*Pour lire l’article: http://jean-daniel.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/04/18/le-cas-de-bhl.html
 


 

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