L'édito de Pascal Boniface

Make America Great Again : le pari réussi de D. Trump ?

Édito
14 mai 2019
Le point de vue de Pascal Boniface


Lorsque Donald Trump s’est présenté à la primaire républicaine, il a été accueilli par des sourires entendus. Tous pensaient qu’il allait faire un tour de piste et disparaître très rapidement de la scène politique. À la surprise générale, il l’a remportée. Chacun, dans le camp démocrate, était alors sûr et certain qu’Hillary Clinton allait remporter les élections face à un candidat aussi décalé, voire répulsif.

Le président Trump a finalement déjoué tous les pronostics en remportant les élections et en annonçant sa détermination à changer les États-Unis. Il a aussi, au cours de la campagne électorale, annoncé qu’il allait rompre avec la politique étrangère américaine suivie par tous ses prédécesseurs, républicains et démocrates réunis, qui n’avait conduit qu’à un déclin du pays. Il promettait de leur rendre leur puissance et « Make America great again ».

Ces annonces avaient été accueillies avec le plus grand scepticisme, y compris et avant tout aux États-Unis. Aucun spécialiste reconnu des questions internationales n’avait accepté de faire partie de son équipe de campagne. Au contraire, anciens diplomates, généraux à la retraite et spécialistes des think tanks en activité, mettaient publiquement en garde les électeurs américains sur les dangers qu’un D. Trump président ferait courir à leur pays, à son prestige et à sa sécurité.

Ses premiers pas de président ont été jugés catastrophiques et ont placé la quasi-totalité des dirigeants et observateurs de la scène internationale dans un abîme de perplexité. Propos et comportements grossiers, déclarations incendiaires et racistes, rejet des alliés traditionnels et des règles communes les mieux établies, méconnaissance crasse des dossiers, usage compulsif de Twitter… Le président américain était devenu un sujet de plaisanterie.

Erreur terrible, car nous n’assistons pas à une comédie, mais à un drame qui se déroule sous nos yeux sans que nous n’en ayons vraiment conscience.

Pendant qu’on se moque de lui, Donald Trump avance. Il suit son agenda. Il n’est pas irrationnel, il a simplement d’autres priorités. Il veut que l’illusion d’un monde unipolaire qui, entre autres, avait conduit à la catastrophique guerre d’Irak devienne non plus une chimère coûteuse pour les États-Unis mais une réalité dangereuse pour ceux qui s’y opposent.

Et il est peut-être en train de gagner son pari. Il a renoncé à l’illusoire politique d’hégémonie libérale conduite par tous les présidents américains depuis la fin de la guerre froide, faite d’interventions militaires pour exporter les valeurs universelles et la démocratie et il ne milite pas pour l’établissement de régimes démocratiques, se sentant parfois plus proche de dictateurs avérés (Kim Jong-un, MBS) que de dirigeants élus (Trudeau, Merkel, Macron). Certes, il continue de s’appuyer sur la force militaire et il a augmenté le budget militaire américain de 600 à 720 milliards de dollars. Mais il veut montrer sa force pour ne pas avoir à l’utiliser. C’est d’ailleurs inutile. Les menaces de sanctions, de fermeture du marché américain et l’application d’une législation extraterritoriale aux autres pays suffisent à les faire rentrer dans le rang. Non content d’avoir dénoncé l’accord sur le nucléaire iranien, il veut désormais interdire à tout pays d’acheter du pétrole à Téhéran. Les autres protestent, contestent, mais acceptent en réalité d’appliquer les décisions de D. Trump. Plutôt que des expéditions militaires, on décrète désormais des sanctions et on menace ceux qui ne veulent pas suivre. Plus aucun pays ne va acheter de pétrole iranien.

Cuba, le Venezuela, l’Iran, Donald Trump espère que l’étouffement économique de ces pays conduira à une révolte populaire débouchant, plus sûrement qu’une intervention armée, sur un changement de régime. Et il impose aux autres pays de le suivre. Il espère par les mêmes moyens obtenir la dénucléarisation de la Corée du Nord. S’il accomplit un seul de ces 4 objectifs, il pourra revenir triomphant devant les électeurs déjà satisfaits de la bonne santé économique du pays et conserver le pouvoir jusqu’en 2024.

Va-t-il donc établir un impérium américain qui remettra plus que jamais en cause la souveraineté des autres nations ? Cela dépend avant tout de leur réaction, et en premier lieu de la Chine, la Russie et l’Union européenne. Vont-elles le laisser faire ? D. Trump triompherait alors grâce à leur inaction et à leur division.

 

 

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