05.12.2024
Discours de Hollande aux ambassadeurs : des ambiguïtés persistantes sur Israël / Palestine
Édito
2 septembre 2014
Le 28 août, François Hollande a ouvert la 22e conférence des ambassadeurs. Le discours que le président de la République a prononcé à cette occasion définit les grands axes de la diplomatie française. *
Parlant d’un contexte particulièrement lourd, François Hollande à dramatisé son discours en évoquant l’extrême gravité des menaces au Moyen-Orient où "une organisation barbare tente de prendre la dimension d’un État", à l’est de l’Europe où un conflit "met en cause les principes sur lesquels notre sécurité collective était fondée depuis la fin de la guerre froide", et à l’ouest de l’Afrique où "un fléau sanitaire s’ajoute au spectre terroriste".
Face à cela, il a déclaré que la France était en mouvement sur tous les fronts et a énoncé ses positions.
L’ordre choisi n’est jamais dû au hasard.
François Hollande a commencé par la Syrie, regrettant que le conseil de sécurité n’ai pas suivi les préconisations de la France et en constatant que, comme il l’avait prévu, l’inaction faisait le jeu des extrémistes. L’État islamique est en train de se mettre en place à cheval sur la Syrie et l’Irak, mais si François Hollande a répété sa volonté de le combattre, il a exclu que cela puisse réintroduire dans le jeu Bachar al-Assad.
Celui-ci "ne peut pas être un partenaire de la lutte contre le terrorisme, c’est l’allié objectif des djihadistes". La communauté internationale est en fait impuissante face à la guerre civile syrienne qui a fait déjà 190.000 morts et suscite le déplacement du tiers de sa population. Mais Bachar al-Assad se maintient au pouvoir pendant que le pays s’effondre.
François Hollande est ensuite passé au conflit israélo-palestinien. Accusé d’avoir été trop conciliant avec Nétanyahou en lui reconnaissant sans conditions un droit à la légitime défense au début de la guerre, il a voulu rectifier le tir. Il l’a fait en partie, mais en partie seulement.
Car tout d’abord, il a qualifié les événements en parlant de la troisième "crise" de Gaza en six ans. Le terme de "crise" peut paraître en-dessous de la réalité de ce qu’ont vécu pendant les bombardements les habitants de Gaza. C’est bien une guerre qui a eu lieu.
Saluant le cessez-le-feu, il a déclaré que "Gaza ne peut plus rester une base armée pour le Hamas, ni non plus une prison à ciel ouvert pour ses habitants". Le terme de prison à ciel ouvert déplaira fortement au gouvernement israélien.
Hollande a demandé une levée du blocus et une démilitarisation du territoire. Mais la première doit être progressive, pas la seconde. Déclarant qu’il faut retrouver le chemin de la paix, il a indiqué que tout le monde connaît les paramètres : "Je vais les répéter, un État palestinien démocratique et viable, vivant aux côtés de l’État d’Israël en sécurité". Ces conditions peuvent être jugées minimales, car rien n’est dit sur les frontières de l’État palestinien et le sort de Jérusalem n’a pas été évoqué.
Il s’est montré un peu plus offensif, reprenant des idées émises par Laurent Fabius (que l’on sait plus offensif sur le sujet que le président de la République) : "La négociation pour la négociation ne suffit plus, des lors qu’elle n’aboutit jamais. Nous devons lui donner toujours sa chance et la responsabilité en revient aux parties prenantes. Mais il reviendra à la communauté internationale de prendre l’initiative". Il est en effet évident que les négociations bilatérales (lorsqu’elles ont lieu) ne débouchent sur rien et ne sont, pour le gouvernement israélien, qu’un moyen de gagner du temps tout en poursuivant la colonisation (colonisation qui n’a pas été évoquée dans son discours par François Hollande). Sans pressions extérieures sur les protagonistes, les négociations pourront durer 1.000 ans. François Hollande a donc évoqué la nécessité de ces pressions et la capacité de l’Europe à les mettre en place. Il a donc relativement durci le ton à l’égard d’Israël, tout en restant cependant en retrait de la position française traditionnelle. Nicolas Sarkozy avait déjà utilisé l’expression de "prison à ciel ouvert" pour Gaza et avait répété chaque année la nécessité de voir Jérusalem capitale des deux États et de stopper la colonisation.
François Hollande qui, au cours de la campagne électorale, s’était prononcé en faveur de la reconnaissance de l’État palestinien, est depuis en retrait et mal à l’aise sur ce sujet. Laurent Fabius est sur une ligne bien plus claire et bien plus ferme et l’avenir de la position française dépendra beaucoup de sa capacité d’imposer sa vision, en adéquation avec la ligne gaullo-mitterrandiste, sur ce sujet.
Il semble que François Hollande donne la priorité aux aspects de politique intérieure, alors que Laurent Fabius se situe dans une perspective stratégique globale.
Passant à l’Iran, François Hollande a allié fermeté sur le dossier nucléaire et ouverture, rappelant qu’il avait été le premier chef d’État occidental à s’entretenir avec le président Rohani.
Sur l’Ukraine, tout en mettant les responsabilités principales de la crise sur la Russie, à laquelle il demande de respecter la souveraineté de l’Ukraine et d’arrêter son soutien aux séparatistes, il estime également que les autorités ukrainiennes doivent faire preuve de retenue dans les opérations militaires, d’accorder une large décentralisation aux régions russophones et de cesser toute provocation. Mais tout en estimant qu’il serait regrettable de devoir le faire, il se dit prêt à de nouvelles sanctions contre la Russie si l’escalade se poursuit.
En évoquant l’Afrique, il a rappelé le succès de l’opération militaire au Mali, opération que beaucoup jugeaient dangereuse lorsqu’il l’a décidée. Certains ont décrit la France isolée ; il a tenu à rappeler que la France n’est pas seule, mais qu’elle a été la première à agir. Il signifie ainsi que les opérations militaires en Mali et en Centrafrique sont fait dans un cadre légal avec le feu vert de l’ONU et que la France est capable de réactivité.
Il en a profité pour rappeler la nécessité de disposer d’un outil militaire efficace et donc de maintenir les crédits de la loi de programmation militaire malgré le contexte de réduction budgétaire.
Il a ensuite fait un long développement sur la diplomatie économique, reconnaissant la pertinence du choix de Laurent Fabius de mettre le tourisme (7% du PIB) comme objectif majeur, ainsi qu’un développement des relations avec la zone Asie-Pacifique et l’Amérique latine. Sur l’Europe, il a plaidé pour une "union différenciée", une Europe où ceux qui veulent aller plus vite pourraient le faire.
Dans un monde où les crises s’accumulent, François Hollande a voulu montrer que la France était capable de faire face, de réagir et de tenir son rang. Il l’a fait en voulant faire preuve d’énergie et de sang-froid. Restent les ambiguïtés persistantes sur Israël / Palestine.
Reste également qu’une réponse adéquate à l’ensemble des crises auxquelles le monde est confronté ne devrait pas empêcher un discours global sur la place de la France dans le monde. Crise par crise, thème par thème, François Hollande répond dans l’ensemble avec pertinence, mais on attend encore une architecture générale.
Manifestement, François Hollande le pragmatique n’a pas de goût pour cette vision globale, dont il doit penser qu’elle viendrait plus l’enfermer que lui donner des marges de manœuvre. Mais on peut néanmoins, vis-à-vis des attentes d’une partie du monde extérieur, le regretter.
Parlant d’un contexte particulièrement lourd, François Hollande à dramatisé son discours en évoquant l’extrême gravité des menaces au Moyen-Orient où "une organisation barbare tente de prendre la dimension d’un État", à l’est de l’Europe où un conflit "met en cause les principes sur lesquels notre sécurité collective était fondée depuis la fin de la guerre froide", et à l’ouest de l’Afrique où "un fléau sanitaire s’ajoute au spectre terroriste".
Face à cela, il a déclaré que la France était en mouvement sur tous les fronts et a énoncé ses positions.
L’ordre choisi n’est jamais dû au hasard.
François Hollande a commencé par la Syrie, regrettant que le conseil de sécurité n’ai pas suivi les préconisations de la France et en constatant que, comme il l’avait prévu, l’inaction faisait le jeu des extrémistes. L’État islamique est en train de se mettre en place à cheval sur la Syrie et l’Irak, mais si François Hollande a répété sa volonté de le combattre, il a exclu que cela puisse réintroduire dans le jeu Bachar al-Assad.
Celui-ci "ne peut pas être un partenaire de la lutte contre le terrorisme, c’est l’allié objectif des djihadistes". La communauté internationale est en fait impuissante face à la guerre civile syrienne qui a fait déjà 190.000 morts et suscite le déplacement du tiers de sa population. Mais Bachar al-Assad se maintient au pouvoir pendant que le pays s’effondre.
François Hollande est ensuite passé au conflit israélo-palestinien. Accusé d’avoir été trop conciliant avec Nétanyahou en lui reconnaissant sans conditions un droit à la légitime défense au début de la guerre, il a voulu rectifier le tir. Il l’a fait en partie, mais en partie seulement.
Car tout d’abord, il a qualifié les événements en parlant de la troisième "crise" de Gaza en six ans. Le terme de "crise" peut paraître en-dessous de la réalité de ce qu’ont vécu pendant les bombardements les habitants de Gaza. C’est bien une guerre qui a eu lieu.
Saluant le cessez-le-feu, il a déclaré que "Gaza ne peut plus rester une base armée pour le Hamas, ni non plus une prison à ciel ouvert pour ses habitants". Le terme de prison à ciel ouvert déplaira fortement au gouvernement israélien.
Hollande a demandé une levée du blocus et une démilitarisation du territoire. Mais la première doit être progressive, pas la seconde. Déclarant qu’il faut retrouver le chemin de la paix, il a indiqué que tout le monde connaît les paramètres : "Je vais les répéter, un État palestinien démocratique et viable, vivant aux côtés de l’État d’Israël en sécurité". Ces conditions peuvent être jugées minimales, car rien n’est dit sur les frontières de l’État palestinien et le sort de Jérusalem n’a pas été évoqué.
Il s’est montré un peu plus offensif, reprenant des idées émises par Laurent Fabius (que l’on sait plus offensif sur le sujet que le président de la République) : "La négociation pour la négociation ne suffit plus, des lors qu’elle n’aboutit jamais. Nous devons lui donner toujours sa chance et la responsabilité en revient aux parties prenantes. Mais il reviendra à la communauté internationale de prendre l’initiative". Il est en effet évident que les négociations bilatérales (lorsqu’elles ont lieu) ne débouchent sur rien et ne sont, pour le gouvernement israélien, qu’un moyen de gagner du temps tout en poursuivant la colonisation (colonisation qui n’a pas été évoquée dans son discours par François Hollande). Sans pressions extérieures sur les protagonistes, les négociations pourront durer 1.000 ans. François Hollande a donc évoqué la nécessité de ces pressions et la capacité de l’Europe à les mettre en place. Il a donc relativement durci le ton à l’égard d’Israël, tout en restant cependant en retrait de la position française traditionnelle. Nicolas Sarkozy avait déjà utilisé l’expression de "prison à ciel ouvert" pour Gaza et avait répété chaque année la nécessité de voir Jérusalem capitale des deux États et de stopper la colonisation.
François Hollande qui, au cours de la campagne électorale, s’était prononcé en faveur de la reconnaissance de l’État palestinien, est depuis en retrait et mal à l’aise sur ce sujet. Laurent Fabius est sur une ligne bien plus claire et bien plus ferme et l’avenir de la position française dépendra beaucoup de sa capacité d’imposer sa vision, en adéquation avec la ligne gaullo-mitterrandiste, sur ce sujet.
Il semble que François Hollande donne la priorité aux aspects de politique intérieure, alors que Laurent Fabius se situe dans une perspective stratégique globale.
Passant à l’Iran, François Hollande a allié fermeté sur le dossier nucléaire et ouverture, rappelant qu’il avait été le premier chef d’État occidental à s’entretenir avec le président Rohani.
Sur l’Ukraine, tout en mettant les responsabilités principales de la crise sur la Russie, à laquelle il demande de respecter la souveraineté de l’Ukraine et d’arrêter son soutien aux séparatistes, il estime également que les autorités ukrainiennes doivent faire preuve de retenue dans les opérations militaires, d’accorder une large décentralisation aux régions russophones et de cesser toute provocation. Mais tout en estimant qu’il serait regrettable de devoir le faire, il se dit prêt à de nouvelles sanctions contre la Russie si l’escalade se poursuit.
En évoquant l’Afrique, il a rappelé le succès de l’opération militaire au Mali, opération que beaucoup jugeaient dangereuse lorsqu’il l’a décidée. Certains ont décrit la France isolée ; il a tenu à rappeler que la France n’est pas seule, mais qu’elle a été la première à agir. Il signifie ainsi que les opérations militaires en Mali et en Centrafrique sont fait dans un cadre légal avec le feu vert de l’ONU et que la France est capable de réactivité.
Il en a profité pour rappeler la nécessité de disposer d’un outil militaire efficace et donc de maintenir les crédits de la loi de programmation militaire malgré le contexte de réduction budgétaire.
Il a ensuite fait un long développement sur la diplomatie économique, reconnaissant la pertinence du choix de Laurent Fabius de mettre le tourisme (7% du PIB) comme objectif majeur, ainsi qu’un développement des relations avec la zone Asie-Pacifique et l’Amérique latine. Sur l’Europe, il a plaidé pour une "union différenciée", une Europe où ceux qui veulent aller plus vite pourraient le faire.
Dans un monde où les crises s’accumulent, François Hollande a voulu montrer que la France était capable de faire face, de réagir et de tenir son rang. Il l’a fait en voulant faire preuve d’énergie et de sang-froid. Restent les ambiguïtés persistantes sur Israël / Palestine.
Reste également qu’une réponse adéquate à l’ensemble des crises auxquelles le monde est confronté ne devrait pas empêcher un discours global sur la place de la France dans le monde. Crise par crise, thème par thème, François Hollande répond dans l’ensemble avec pertinence, mais on attend encore une architecture générale.
Manifestement, François Hollande le pragmatique n’a pas de goût pour cette vision globale, dont il doit penser qu’elle viendrait plus l’enfermer que lui donner des marges de manœuvre. Mais on peut néanmoins, vis-à-vis des attentes d’une partie du monde extérieur, le regretter.