L'édito de Pascal Boniface

Les errances diplomatiques de Donald Trump

Édito
16 novembre 2016
Le point de vue de Pascal Boniface
La campagne électorale du candidat républicain Donald Trump laissait présager le pire pour l‘évolution diplomatique de la première puissance mondiale. Au-delà des annonces chocs et promesses controversées, que peut-on réellement attendre de son élection ?

L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis a déclenché un séisme planétaire, du fait de l’importance des États-Unis dans le monde et de sa personnalité controversée. Durant la campagne, Hillary Clinton avait insisté sur la question suivante : pouvait-on réellement lui confier le bouton nucléaire ? Si ce sujet interpelle, l’idée que Trump déclenche impulsivement une guerre nucléaire semble dépourvue de sérieux.

Mais d’autres sujets d’inquiétude sont réels. Tout d’abord, son hostilité déclarée à l’islam. Affirmer explicitement son animosité envers les musulmans pose nécessairement un problème. Même Georges W. Bush n’osait aller aussi loin. Se dirige-t-on vers un choc des civilisations ? Les nombreuses déclarations racistes de Trump risquent par ailleurs de laisser des traces au Proche-Orient. Le gouvernement israélien le considère comme un ami sûr, mais il en allait de même pour Hillary Clinton.

Trump a remis en cause l’accord de Paris de lutte contre le réchauffement climatique, signé en décembre 2015. Le possible retour sur un succès collectif obtenu dans la difficulté après plusieurs années de négociations et au prix de nombreuses concessions, inquiète fortement.

Trump reviendra-t-il sur l’accord sur le nucléaire iranien, signé en juillet 2015 à Vienne ? Là aussi, la situation n’est pas simple dans la mesure où il ne s’agit pas d’un accord bilatéral entre les États-Unis et l’Iran, mais d’un accord multilatéral signé également par ses alliés européens et la Russie, pays avec lequel Trump souhaite avoir de bonnes relations. Les pays du Golfe regarderont avec circonspection l’évolution de la situation aux États-Unis.

L’orientation nouvelle résidera sans doute dans les relations entre les États-Unis et la Russie. Tandis qu’une éventuelle élection d’Hillary Clinton laissait présager une politique plus ferme que celle de Barack Obama, Donald Trump a manifesté à de nombreuses reprises son respect et admiration à l’égard de Vladimir Poutine. Barack Obama a, quant à lui, échoué à appuyer sur le bouton reset dans les relations entre Washington et Moscou.

Il sera intéressant d’observer les réactions du vieux continent. Les véritables Européens estiment que l’élection de Donald Trump constitue un défi pour organiser cette « Europe puissance » dont le projet n’a jamais pu aboutir, par manque de volonté « à cause » du confort de la protection américaine. D’autres se montreront nostalgiques d’un ordre ancien, un temps où les États-Unis s’engageaient et commandaient les pays européens. L’Europe fera donc face à un défi nouveau dont l’issue peut s’avérer positive si les Européens le relèvent.

Donald Trump construira-t-il le mur à la frontière mexicaine ? Les relations entre les États latino-américains et les États-Unis s’étaient améliorées, avec la disparition de la doctrine Monroe, des rapports plus égalitaires et une forte diminution de l’anti-américanisme dans les pays latino-américains. L’élection de Donald Trump risque de soulever un vent d’hostilité dans la région à l’égard des États-Unis.

En ce qui concerne l’Asie, Donald Trump a menacé de demander au Japon et à la Corée du Sud de payer pour l’organisation de leur propre défense. Il veut également construire un mur économique face aux exportations chinoises. Il est vrai que ces dernières sont quatre fois plus importantes que les exportations américaines vers la Chine : elles représentent 4% du PIB chinois alors que les exportations américaines en Chine ne représentent que 0,6 à 0,7% du PIB américain. Ce mur aura cependant un impact sur les Américains en termes d’inflation. De plus, les Chinois possèdent des bons du trésor américain qu’ils peuvent retirer. Par conséquent, il ne sera pas évident pour Donald Trump d’appliquer son programme.

Sur le plan économique, Donald Trump semble se baser sur des personnalités qui ont conduit à la crise de 2008 et font partie du système qu’il ne cesse de dénoncer. Le risque de déception des électeurs américains envers Trump est donc réel et la vague populiste ne sera probablement pas aussi forte que prévue. On risque de s’apercevoir rapidement que l’ensemble des promesses faites par Donald Trump sont difficiles à mettre en œuvre.

L’option la plus probable est que, d’ici quatre ans, la politique de Trump, en crispant les relations des États-Unis avec un certain nombre d’États, associée à l’évolution naturelle de l’émergence et du rééquilibrage des relations internationales, rendent les États-Unis moins puissants qu’aujourd’hui. À partir du 20 janvier 2017, ceux qui ont été déçus par Obama risquent de le regretter amèrement.
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