L'édito de Pascal Boniface

Objectifs du millénaire : Un sommet pour rien ?

Édito
21 septembre 2010
Le point de vue de Pascal Boniface
Le sommet sur les objectifs du millénaire pour le développement a vu se succéder chefs d’État et de gouvernement qui ont tous rappelé leur attachement à remplir les objectifs du millénaire défini en 2000 et attiré l’attention de la communauté internationale sur les difficultés à remplir cette tâche. Les discours se sont succédés, les promesses se sont multipliées, les engagements ont été réaffirmés.

Litanies, liturgie, léthargie, qui selon Edgar Faure caractérisaient les débats budgétaires au Parlement, sembleraient pouvoir s’appliquer à ce type de sommets internationaux. Une certaine lassitude atteint le public gagné par le scepticisme à la vue du différentiel entre les résultats tangibles obtenus sur le terrain toujours plus limités que ce que pourrait laisser penser les cris du cœur lancés à la tribune.

Les chiffres sont également cruels. On peut certes se féliciter du chiffre record de 120 milliards de dollars que va atteindre cette année l’aide publique au développement. Il reste néanmoins faible si on le compare avec les 1500 milliards de dollars (somme qui par définition n’était pas censée être disponible avant la crise) qui avaient été trouvés en 2008 pour un plan de relance des économies, ou les 150 milliards de dollars annuels que coûtent aux seuls Etats-Unis les guerres d’Afghanistan et d’Irak.

Faut-il pour autant en conclure que ces sommets sont inutiles ? Non. Il ne faut pas en attendre qu’ils règlent le problème, mais leur existence a au moins pour mérite de rappeler aux gouvernements leurs obligations, de sensibiliser de façon plus précise le public, bref de maintenir une pression sur les décideurs politiques. Les choses n’iraient pas mieux si ces sommets n’existaient pas même si on peut trouver leurs résultats insatisfaisants.

En septembre 2000, l’ONU avait adopté huit objectifs du millénaire qui devaient être atteints d’ici 2015. Ils concernaient notamment la réduction de la très grande pauvreté, un accès universel à l’éducation primaire, des progrès pour l’égalité des sexes, la réduction de la mortalité infantile, la lutte contre le sida, le paludisme et autre maladies, et assurer un environnement durable.

Très rapidement, on s’est aperçu que ces objectifs ne seraient pas atteints et ce avant même la survenance de la crise économique de 2008 qu’on ne peut donc pas rendre responsable de cet échec. Alors que tous les pays développés avaient pris l’engagement de consacrer 0,7 % de leur PIB à l’aide publique au développement, seuls cinq pays l’ont respecté. Il manque au minimum 35 milliards de dollars par an pour pouvoir atteindre les objectifs du millénaire. Cette somme n’est pas inaccessible si la volonté politique existait mais il n’y a pas un sentiment d’urgence vitale comme lors de la crise financière de 2008.

Inconsciemment ou non, les gouvernements ont le sentiment qu’il est certes moralement impérieux de faire quelque chose mais qu’il y a également d’autres priorités et que les ressources publiques sont rares. Bref qu’on peut prendre son temps, ce qui n’avait pas été la conclusion lors de la crise.

D’où l’idée de trouver des « financements innovants ». Ces financements innovants seraient-ils un euphémisme pour masquer le manque de contributions directes étatiques ? Est-ce un moyen de disculper les Etats qui ne remplissent pas leurs obligations de consacrer 0.7% de leur PIB au développement ? A la tribune de l’ONU, Nicolas Sarkozy a appelé de ses vœux l’établissement d’une taxation internationale sur les transactions financières. Il reprenait à son compte une proposition qui fut la raison d’être du mouvement altermondialiste. Il y a une logique dans cette proposition. A la communauté internationale devrait correspondre une taxation internationale. Mais il est peu probable que l’on trouve un accord pour créer cet impôt, fût-il mis au service d’un objectif officiellement partagé par tous. Car en réalité il n’y a pas de communauté internationale digne de ce nom.

Il faut également reconnaître que l’aide publique au développement n’est pas une panacée. Dans la lutte contre l’extrême pauvreté, la Chine a, dans la période récente, sorti de 300 à 400 millions de ces habitants de la misère sans bénéficier d’aides extérieures.

L’aide est nécessaire mais encore faut-il qu’elle soit utilisée à bon escient et qu’elle atteigne réellement ceux qui sont censés en être les bénéficiaires.
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