L'édito de Pascal Boniface

Géopolitique au Val Fourré

Édito
11 novembre 2010
Le point de vue de Pascal Boniface
Je suis retourné le mercredi 10 novembre au lycée Saint-Exupéry de Mantes-la-Jolie. J’y fus lycéen, et garde de cette époque de merveilleux souvenirs. J’y suis revenu en mai dernier pour le 50e anniversaire de la création du lycée. J’ai fait connaissance de l’équipe de professeurs qui, autour de Nathalie Coste, préparent les élèves volontaires au concours d’entrée de Sciences-Po en fonction d’une convention ZEP passée avec l’IEP.

Le matin, j’ai fait une conférence devant les élèves de terminale. Un tour d’horizon géopolitique sur l’état du monde. Les élèves, par l’intérêt qu’ils ont manifesté et par la pertinence de leurs questions, ont prouvé que la géopolitique n’était décidément pas le monopole des beaux quartiers mais pouvait aussi passionner un lycee qui ou existe une véritable mixité sociale . Ils pouvaient être intimidés de devoir se lever devant plusieurs centaines de personnes pour poser une question, mais leur volonté de s’informer et de comprendre leur faisait dominer leur timidité. Un moment vraiment sympa et chaleureux.

J’aurais aimé que ceux qui stigmatisent sans cesse les banlieues aient assisté à cette conférence. Ils auraient peut-être remis en cause certains des clichés véhiculés sur le niveau qui baisse, sur le manque de maturité des jeunes, pour ne pas parler des préjugés sur la diversité qui nous tirerait vers le bas. L’assistance était bigarrée et de qualité, ce n’est pas incompatible loin de la !

L’après-midi, réunion avec le petit groupe qui va préparer le concours d’entrée à Sciences-Po. Il s’agissait de déterminer le sujet du dossier de presse qu’ils doivent faire entre fin décembre et fin février. La plupart ont déjà une idée précise. Ils font preuve d’une connaissance développée de l’actualité. Beaucoup sont tentés par des sujets qui évoquent leur origine ethnique personnelle ou un d’engagement politique précoce. Ils écoutent les conseils de l’âge : ne pas se laisser dominer par l’émotion, avoir le droit d’exprimer des idées à condition qu’elles soient solidement argumentées, ne pas prendre de sujets trop généraux, faire attention de choisir un sujet dont on est certain qu’il fera l’objet d’un traitement médiatique dans la période concernée. Les échanges sont nourris, les élèves sont réactifs et font preuve d’une véritable maturité et d’une solide détermination.

L’an dernier, sur 10 élèves qui passaient le concours, quatre l’on réussit. Certains enseignants critiquent le dispositif en le présentant comme élitiste. Il y a pourtant une différence entre une élite que l’on produit et une élite qui se reproduit. Lorsque j’étais lycéen à Mantes, Sciences-Po paraissait un horizon inaccessible, intellectuellement mais surtout socialement. Sans une telle convention aucun de ses élèves n’auraient tout simplement osé passer le concours. Par ailleurs ceux qui échouent sont néanmoins boostés et parviennent en classe préparatoire.

Tout ceci prouve que si l’on a la chance de rencontrer des enseignants qui vous donnent confiance en vous (contrairement à ceux qui ont besoin de dévaloriser les élèves pour se rassurer sur leur excellence), chacun peut réussir même si l’on vient d’un quartier à la réputation difficile, même si l’on vient d’un milieu social modeste, même si l’on n’est pas en France depuis plusieurs générations. Lorsque l’école publique fait son travail, elle lutte contre les prédestinations sociales.
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