L'édito de Pascal Boniface

Lettre ouverte au maire du Havre à propos du rappeur Médine

Édito
24 octobre 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
Monsieur le Maire Édouard Philippe,
 
Vous êtes maire du Havre depuis 2010 et président de la Communauté de l’agglomération havraise.
 
Vous êtes un jeune parlementaire de l’UMP qui a résisté à la vague rose puisque vous avez été élu député de la septième circonscription de la Seine-Maritime lors des législatives de 2012.
 
Vous êtes par ailleurs proche d’Alain Juppé, partisan d’une ligne gaullo-mitterrandiste au sein de votre formation politique et qui a récemment déclaré que l’islamophobie était pour lui une ligne de clivage sur le plan politique.
 
Permettez-moi de vous dire que je ne comprends pas vraiment votre attitude.
 
 
Vous avez dans votre ville un artiste extrêmement populaire, qui par ailleurs fait passer un message citoyen aussi bien dans ses chansons que dans ses différentes interventions dans des cercles associatifs. Il a vendu plus de 40.000 exemplaires de son dernier disque et a plus de 210.000 abonnés sur Facebook.
 
Malgré son jeune âge, il a déjà fait plus de mille concerts, toujours dans des salles pleines. C’est l’un des rappeurs français les plus populaires. Par ailleurs, cet artiste se revendique toujours de votre ville et en fait une ardente promotion. Il ne cesse de parler du Havre pour rendre hommage à sa ville. Tout serait réuni pour qu’à votre tour, vous le reconnaissiez comme l’un des ambassadeurs de votre cité.
La plupart des villes dont les enfants accèdent à la notoriété en sont fiers et en font la promotion. Pourquoi cela n’est-il pas le cas pour l’artiste dont je parle ? Est-ce parce qu’il est rappeur et que ce genre musical suscité encore des sentiments mêlés ? Est-ce parce qu’il est issu d’une cité populaire ? Est-ce que c’est parce qu’il s’appelle Médine et qu’il est musulman ? Est-ce parce qu’il est barbu ? Dans un climat général de stigmatisation des Arabes et musulmans, toutes ces raisons devraient au contraire vous conduire à en faire un exemple pour vos concitoyens.
 
Avez-vous étudié les textes de Médine ? Savez-vous que les éditions Nathan ont mis dans un manuel d’histoire l’un de ces textes, sur les événements du 17 octobre 1961, donnant ainsi une reconnaissance académique à cet autodidacte ? Ne voyez-vous pas que toute son action participe au vouloir vivre ensemble et à une affirmation pacifique des droits de nos concitoyens arabes ou musulmans ? Ne croyez-vous pas que le vouloir vivre ensemble, qui rencontre tant de difficultés, a besoin de ce genre de talent, dont votre ville doit être fière ?
 
C’est en rédigeant un livre avec cet artiste que je me suis rendu compte du caractère anormal de cette non-reconnaissance.
 
Ne pensez-vous pas que vous devriez en faire, au contraire, un citoyen d’honneur de votre ville ? Pourquoi ce que fait Brest avec Nolwenn Leroy ne se passe pas au Havre avec Médine ?
 
Ne vous connaissant pas personnellement, je n’ai aucune raison de douter de votre sincérité, de votre bonne foi et de votre engagement au service des citoyens du Havre. Sans doute, votre information était incomplète sur ces points, c’est pourquoi je me permets de la compléter. Je suis certain que vous allez cesser de méconnaitre l’un des plus grands talents de la ville dont vous êtes le magistrat suprême.
 

Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l’expression de mes sentiments cordiaux et républicains.
 


 
 
 
Pascal Boniface vient de publier avec Médine "Don’t Panik" aux Éditions Desclée de Brouwer.
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