L'édito de Pascal Boniface

Iran : la répression, jusqu’où ?

Édito
17 janvier 2023
Le point de vue de Pascal Boniface


 

Chaque semaine, Pascal Boniface analyse dans une chronique de quelques minutes un fait d’actualité internationale ou une tendance géopolitique. 

 

Le régime iranien semble avoir perdu le contrôle de la situation face à la contestation et être entré dans une escalade de répression. Quatre jeunes Iraniens ont été exécutés peu après un procès exprès fondé sur des aveux extorqués sous la torture. Un citoyen ayant la double nationalité irano-britannique a lui aussi été exécuté trois jours après son procès, ayant été condamné pour espionnage sans qu’aucune preuve n’ait pu être apportée. L’Iran s’oppose donc non seulement à sa propre population, mais également à la communauté internationale qu’elle défie ouvertement. Le pays semble redevenir un État qui se replie sur lui-même. 


Les condamnations internationales ont été quasi-unanimes. Mais au-delà des protestations verbales, comment réagir ? Il y a encore assez peu de sanctions qui n’ont pas été déjà prises, sauf à placer les gardiens de la révolution sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne et à cibler individuellement d’autres responsables. Mais il ne faut pas se faire d’illusions : cela ne changera pas la politique du régime iranien, car celui-ci joue sa survie.


500 manifestants sont déjà tombés sous les balles des forces de sécurité iraniennes. Il y a des milliers d’Iraniens qui ont été faits prisonniers et qui sont soumis à de mauvais traitements, à des actes de violence ou à la torture. On signale même de nombreux cas de viols dans les prisons. Certains prisonniers sont libérés parce que les familles ont payé de très fortes amendes pour les faire sortir de prison. Certaines familles ont même pu être ruinées, mais elles le font par peur de voir mourir leurs enfants en prison. 


Le régime semble être aux abois et il ne répond à la contestation qu’en durcissant la répression. Jusqu’où ira-t-il ?  Car pour le moment, cette répression n’a pas été suffisante pour faire taire les opposants. Si les manifestants se font moins entendre, ils n’ont pas cédé et sont au contraire de plus en plus colère contre les autorités, et le régime se sent toujours menacé.  


Il commence à y avoir un débat interne au sein du régime, certains disant qu’il faut lâcher un peu de lest pour rester aux commandes de la nation. Mais cela ne devrait pas suffire à calmer la colère des manifestants tant elle s’accroît face à la répression.


L’Ayatollah Khamenei semble plutôt partisan d’une ligne dure visant à renforcer la répression pour écœurer les opposants. Il est convaincu que seule la force paye et que toute concession sera prise pour de la faiblesse. On peut faire un parallèle avec l’exemple syrien. Bachar Al-Assad a répondu par une répression sans pitié. La Syrie est désormais totalement détruite, mais Bachar Al-Assad est, lui, toujours au pouvoir. Certains membres du régime iranien pourraient être désireux de suivre cette piste. Ils peuvent très bien rester à la tête d’un pays totalement détruit, mais qu’ils continuent à diriger. Ils craignent que l’ouverture ne les mène à perdre totalement le pouvoir. 


Outre la situation désespérée de la société iranienne, où seul peut-être 15 à 20 % des Iraniens soutiennent le régime, la monnaie iranienne a perdu 50% de sa valeur par rapport au dollar, la crise économique est générale, et les Iraniens commencent à avoir des difficultés, y compris pour subvenir à leurs besoins immédiats de santé et d’alimentation. L’échec du régime est total. Beaucoup d’Iraniens pourraient être tentés par l’exil faute de toute perspective d’avenir dans leur propre pays.


L’Iran compte sur l’appui de la Russie, à laquelle elle fournit des drones dans sa guerre contre l’Ukraine. Il y a assez peu de pays, en réalité seuls la Corée du Nord et l’Iran, qui soutiennent militairement la Russie. Si seuls les pays occidentaux ont pris des sanctions contre la Russie, la grande majorité d’entre eux a condamné la guerre. L’Iran, lui, la soutient officiellement, ce que ne fait pas la Chine. Téhéran et Moscou coopèrent déjà en Syrie, où, sans leur soutien, le régime de Bachar Al-Assad serait déjà tombé. L’Iran et la Russie ont en commun d’avoir totalement coupé les ponts avec les Occidentaux. En réalité, Moscou et Téhéran ne craignent pas de nouvelles sanctions de la part de ces derniers tellement ils y sont habitués.  


L’autre danger est que l’Iran pourrait se diriger vers l’arme nucléaire. Les pays qui ont négocié avec lui un accord en juillet 2015, rompu par Donald Trump en 2018, ont du mal à reprendre contact avec Téhéran du fait de l’ampleur de la répression. Mais si l’Iran poursuit sa politique d’enrichissement de l’uranium et se dirige vers l’arme nucléaire, espérant ainsi se sanctuariser contre le monde extérieur, les conséquences géopolitiques seraient catastrophiques et incalculables.


On assiste donc à une bataille mortelle entre la contestation du peuple iranien et la répression du régime. Nul ne peut prédire aujourd’hui qui va l’emporter. Mais c’est la nation tout entière qui souffre. Le moindre des paradoxes est de voir ce régime, qui se veut nationaliste, accepter la destruction de la nation pour préserver son pouvoir.

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