08.10.2024
Hollande en Algérie : les enjeux d’une visite politique, économique et symbolique
Édito
18 décembre 2012
Le déplacement de François Hollande en Algérie est annoncé de longue date comme étant extrêmement important.
Le rêve historique de réconcilier France et Algérie
Il y a bien sûr une part de sentimentalisme. Le président n’a-t-il pas été jeune stagiaire de l’ENA en poste en Algérie en 1978 ? N’est-ce pas en Algérie qu’il a utilisé pour la première fois en 2010 l’idée que les Français avaient envie d’un "président normal", formule qui fit beaucoup pour son succès dans les élections de 2012 ?
On ne peut écarter non plus le rêve historique d’être le premier président à réconcilier vraiment la France et l’Algérie. Les deux pays nourrissant une relation passionnelle mêlant envie et rejet. Chacun d’entre eux est l’otage des querelles politiques internes de l’autre.
Giscard, premier président français à se rendre en Algérie, n’avait pas réussi. Mitterrand, qui avait fait de l’Algérie, avec le Mexique et l’Inde, l’un des trois pays sur lesquels appuyer une nouvelle politique étrangère ambitieuse pour le tiers-monde, n’avait pas eu plus de succès. Les espoirs de Chirac ont été brisés par le fait de reconnaître le rôle positif de la colonisation en 2005.
Mais entre nostalgie personnelle et ambition historique, il y a des objectifs beaucoup plus pragmatiques, concrets et accessibles pour François Hollande.
Tourner définitivement la page Sarkozy
Le premier est de rétablir des relations mises à mal lors du quinquennat précédent, malgré une bonne volonté initiale de Nicolas Sarkozy et ses rêves d’union pour la Méditerranée. Sarkozy était perçu sur la fin de son mandat comme hostile aux musulmans et aux immigrés. Cela ne pouvait qu’avoir un écho très négatif en Algérie, ainsi que chez les Français d’origine algérienne. Ces derniers ont d’ailleurs voté massivement en faveur de François Hollande.
François Hollande, comme Nicolas Sarkozy, a une conception de la politique étrangère qui n’est pas déliée des préoccupations de politique intérieure. Ils n’en tirent pas les mêmes conclusions. L’ancien président croyait gagner des voix en stigmatisant les Français d’origine maghrébine, le nouveau en leur tenant un discours d’apaisement et de vouloir vivre ensemble.
La reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans la sanglante répression de la manifestation du 17 octobre 1961 a été perçue très positivement. Après beaucoup d’hésitations, le vote favorable à la mission de la Palestine comme État non membre de l’ONU a joué dans le même sens.
Améliorer l’image de la France en Algérie et par-delà au sud de la Méditerranée n’est pas sans conséquences positives sur le plan de la politique intérieure. Le déplacement à Dakar avait pour objectif d’améliorer l’image de la France en Afrique et d’envoyer un message positif aux Français d’origine africaine, le déplacement en Algérie va dans le même sens. Mais inversement, tenir un langage d’ouverture aux Français dits "de la diversité" a un impact favorable sur l’image de la France a l’étranger.
Visas, harkis, moines de Tibhirine… de nombreux dossiers
Mais Hollande voudra montrer qu’il est le président de tous les Français, la non-stigmatisation n’est pas l’oubli des autres. La dénonciation du colonialisme ne doit pas heurter certaines communautés. Il faudra tenir compte de la guerre des mémoires.
Les harkis et les rapatriés ont également des douleurs qui n’ont jamais été totalement reconnues. François Hollande devrait insister sur le dossier de la restitution des biens abandonnés au moment du retour en France ou de leurs compensations financières.
Le dossier de la mort des moines de Tibhirine devrait également être évoqué, afin de permettre au juge d’instruction en charge du dossier Marc Trévidic de pouvoir se rendre sur place pour enquêter. La question des visas, notamment pour les étudiants, devra aussi être abordée.
Des opportunités pour les entreprises françaises
Autre caractéristique de la vision internationale de François Hollande, c’est qu’il faut que cela soit utile à l’économie française. Laurent Fabius a insisté sur le concept de diplomatie économique lors de la conférence des ambassadeurs du mois d’août. L’état de l’économie française, sa croissance atone et son chômage vigoureux sont des sources de préoccupation majeures pour François Hollande. Il sait que les choses doivent changer s’il veut être réélu en 2017.
Laurent Fabius a indiqué qu’il y aura "des décisions claires et des accords qui seront signés". Énergie, BTP, industrie automobile sont des secteurs sur lesquels les entreprises françaises nourrissent des espoirs.
L’augmentation des cours du pétrole a permis à l’Algérie de disposer d’une solide cagnotte. Les besoins d’une population jeune en logement et en infrastructure sont énormes. Le souvenir traumatique de la guerre civile des années 1990 ont tenu pour le moment à l’écart l’Algérie des soubresauts du printemps arabe. Mais le pouvoir sait qu’il faut satisfaire les besoins de la population s’il ne veut pas voir une contestation politique et sociale prendre naissance. La France et l’Algérie ont donc des intérêts communs.
Encore faut-il que des préoccupations de politique intérieure, tant en Algérie qu’en France, ne viennent pas entraver leur mise en œuvre.