L'édito de Pascal Boniface

France Inter priValtisée ?

Édito
2 mai 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
Le 2 mai 2011, j’étais invité, comme je le suis occasionnellement, à l’émission de France Inter « Le téléphone sonne », consacrée ce jour-là à la mort de Ben Laden. L’émission s’est déroulée normalement.

C’est par la suite que les choses se sont compliquées, comme me l’ont raconté des amis journalistes de la Maison de la Radio. Entendant que j’étais invité dans cette émission, Philippe Val a explosé de colère. Depuis sa conversion aux thèses neocons il ne m’aimait guère. Mais la publication de mon livre Les intellectuels faussaires a plus qu’amplifié cette aversion. Dans une fureur incontrôlée, il demandait à ce que je ne sois plus invité dans cette émission et fit passer la consigne aux autres animateurs, ainsi qu’à la rédaction.

Il faut reconnaître qu’il sait être efficace car sa consigne a été respectée. Je n’ai plus été invité depuis dans aucune émission de France Inter depuis cette date, c’est-à-dire il y a un an jour pour jour, y compris dans celles où j’étais régulièrement invité. Je ne l’ai plus été pour commenter l’actualité, ni parler de mes livres. Les attachés de presse téléphonant lors de la publication de L’Atlas de la France coécrit Hubert Védrine ou du Monde selon Sarkozy ont eu droit à des réponses dilatoires et souvent assez gênées. Bien sûr personne ne m’a invité à parler de mon livre Les intellectuels faussaires.

Philippe Val ayant fait tomber plusieurs têtes (pour un coût assez important en fonction des procès perdus), les animateurs se méfient. Rien n’est plus facile que de changer la case horaire d’une émission ou même de ne pas conserver l’animateur. Val a prouvé depuis son arrivée qu’il pouvait virer rapidement, y compris des éditorialistes appréciés du public.

Je suis encore invité dans les journaux de France Inter, la rédaction étant plus soudée et donc plus en mesure de résister aux pressions extérieures contrairement aux animateurs qui, par définition, sont isolés. Un animateur, lui-même proche des thèses de Philippe Val devant lequel je m’étonnais de ce procédé me répondit « c’est normal si tu critiques Bouygues, tu ne seras pas invité sur TF1. »

Le problème est que France Inter n’est pas TF1. Ce n’est pas une station privée, elle appartient au service public. Il est tout à fait anormal que le directeur d’une chaîne interdise d’antenne quelqu’un qui aurait le double malheur d’être en désaccord avec lui et de s’être un peu gaussé de lui dans un livre, il n’est pas propriétaire de la chaîne. On notera par ailleurs que c’est d’autant plus curieux de la part de quelqu’un qui prône partout le principe de la liberté totale de caricatures et qui se présente régulièrement comme voltairien, prêt à se battre pour permettre à quelqu’un en désaccord avec lui de s’exprimer. C’est tout à fait le contraire.
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