L'édito de Pascal Boniface

Conférence « Sport et Relations Internationales » au CNOSF

Édito
4 avril 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
Le 3 avril, s’est tenue la deuxième édition du cycle de conférences « sport et relations internationales » organisé par le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF). Il entre dans la démarche de son président Denis Masseglia de faire du CNOSF une maison ouvert. Alors que la première conférence en septembre dernier consistait en un jeu de questions réponses avec Michel Platini, Président de l’UEFA, la deuxième édition a traité de façon plus technique la question du « lobbying », à savoir comment la France peut espérer améliorer son image et sa place dans les instances sportives internationales dans le but ultime de remporter plus de candidatures à l’organisation d’événements sportifs.

Quelques mois après l’échec d’Annecy aux JO d’hiver 2018 et à quelques mois de l’ouverture des JO 2012 à Londres, pour lesquelles Paris avait en vain présenté sa candidature, la question méritait d’être posée.
J’ai eu le plaisir d’animer une table rondequi regroupait quatre experts. Fabrice Alexandre, lobbyiste professionnel, a ouvert la conférence en expliquant les modalités, les règles d’une campagne de lobbying sportif réussie. Selon lui, il faut tout d’abord réfléchir à l’objectif, son potentiel mobilisateur, et à l’ensemble des acteurs qui sont susceptibles d’en bénéficier. C’est à partir de cette définition de l’objectif qu’il est possible, et nécessaire, de construire sa légitimité, de la mettre en valeur et l’incarner.

Une autre exigence pour une telle campagne de lobbying est de comprendre « les règles et le terrain » qui caractérisent le milieu sportif institutionnel. Il est nécessaire ainsi de cartographier méthodiquement les décideurs, leurs préférences, leurs alliés, qui les influencent, ainsi que les concurrents, leurs forces et faiblesses. C’est en prenant compte de ce milieu et de l’ensemble des acteurs en présence qu’un dossier de candidature doit s’adapter, évoluer en fonction des interlocuteurs et du contexte.

Le deuxième témoignage est venu de Joël Bouzou, dont l’expérience est évocatrice, à triple titre, puisqu’il est fondateur de l’association non-gouvernementale Peace & Sports, qui met en relation le milieu sportif et le milieu politique afin de contribuer à l’apaisement des tensions, président de la fédération de pentathlon qui grâce à son lobbying a pu rester discipline olympique, et enfin président de l’association des olympiens, qui représente les athlètes olympiques, passés et présents. Joël Bouzou a surtout insisté sur le travail de conviction qui représente le cœur d’une campagne de lobbying sportif. Chaque projet doit être profondément réfléchi pour être mis en valeur et au final plaire au décideur.

Pascal Grizot, ancien capitaine de l’équipe de France de Golf et en charge de la candidature victorieuse de la fédération française de Golf à l’organisation de la Ryder Cup en 2016, a également souligné l’importance de ce travail de conviction. Le dossier technique d’une candidature est évidemment vital pour réussir une campagne, mais ce n’est pas suffisant. Pour gagner les voix du milieu du golf, à forte prégnance anglo-saxonne, il a fallu réfléchir au dossier que les décideurs voulaient, se mettre à leur place pour légitimer et rendre crédible la candidature française.

Enfin, Bernard Lapasset, président de la fédération internationale du Rugby, a pu éclairer le débat en évoquant son combat pour que le Rugby (à sept) soit intégré dans les Jeux Olympiques (pour 2016, comme le golf) mais également l’organisation de la Coupe du Monde de Rugby en 2007 en France. Lapasset a insisté sur le fait que le comité qui choisit les hôtes de grandes compétitions sportives doit être décortiqué, afin que chaque vote soit anticipé. Le dossier de candidature et sa communication doivent être en cohérence et toucher la sensibilité des décideurs. Par exemple le Conseil de l’IRB, la fédération internationale de rugby, est composé de 26 voix, dont 18 sont britanniques. Pour gagner l’accueil de la Coupe du Monde il a fallu plaire à chaque nation représentée : le fait que de nombreux sud-africains sont expatriés à Paris, que les Irlandais affectionnent le Pays basque, etc. il faut toucher tous les membres, parler dans les langues locales, cibler son lobbying vers les bonnes personnes, et prendre en compte le fonctionnement des arcanes d’organismes comme le CIO, dont les 114 membres sont accompagnés de nombreux lobbyistes, experts en communication, qu’il faut également intégrer dans le jeu des candidatures.
Cohérence et légitimité du dossier qui doit toucher les cordes sensibles, travail de conviction décortiqué en fonction des caractéristiques des institutions sportives et des votants, adaptation de la campagne de lobbying à cet environnement particulier… les enseignements apportés par les différents témoignages se sont rejoints et devront être sous-pesés par les prochaines candidatures françaises. Par ailleurs, c’est également hier que s’est pour la première fois réuni le nouveau « Comité Stratégique International ».

Constitué de personnalités et d’experts du monde sportif, ce Comité se veut une plateforme de réflexion et de préparation pour prendre appui sur les leçons des derniers échecs et victoires françaises, et surtout coordonner et optimiser les prochaines candidatures françaises.
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