L'édito de Pascal Boniface

JO LONDRES 2012. Quels enjeux stratégiques ?

Édito
26 juillet 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
La cérémonie d’ouverture des XXXème Jeux olympiques de l’ère moderne ne s’est pas encore déroulée qu’un premier incident diplomatique a eu lieu.
 
Alors que l’équipe féminine de football de la Corée du Nord s’apprêtait à jouer, c’est le drapeau de la Corée du Sud qui était montré sur les écrans. Cela ne fait pas très sérieux pour le Comité d’organisation quand on connaît la sensibilité du sujet.
 
Faut-il y voir un hommage posthume à Thierry Roland, qui avait déclaré lors de la Coupe du monde 2002 que rien ne ressemblait plus à un Coréen qu’un autre Coréen ? Espérons en tous les cas que les organisateurs révisent leurs fiches et ne confondent pas les drapeaux de Taïwan et de la Chine populaire.
 
Malgré l’apolitisme affiché par le Comité international olympique (CIO), les Jeux ont toujours été marqués par des enjeux stratégiques. Quels sont ceux de Londres ?
 
Le premier est la sécurité. C’est désormais le budget le plus important de toute compétition sportive mondialisée. Le terrorisme avait déjà endeuillé les Jeux olympiques en 1972. Depuis 2001, la préoccupation est encore plus obsédante. On se rappelle que le lendemain de l’obtention des Jeux en 2005, Londres a été frappée par des attentats qui ont fait cinquante-deux morts. La fierté d’accueillir la reine des compétitions sportives s’accompagne de la crainte permanente d’un attentat. C’est désormais inéluctable.
 
La Grande-Bretagne a deux défis : le premier consiste à conforter son rang de grande puissance sportive. En 1996, le pays qui a inventé de nombreux sports s’est retrouvé dans les bas-fonds du classement, ce fut une humiliation nationale. Les Britanniques ont depuis mené une politique volontariste d’aide au sport de haut niveau qui leur a permis de terminer au quatrième rang à Pékin avec dix-neuf médailles d’or. Ils ont bien sûr à cœur de faire aussi bien chez eux.
 
L’autre enjeu est de montrer le visage de Londres, ville monde, ouverte, accueillante et attractive, de montrer que c’est une ville phare de la mondialisation.
 
En 2008, à domicile, la Chine avait terminé première au classement du nombre de médailles. Ce classement n’a rien d’officiel mais il avait une importance capitale. Au temps de la Guerre froide, l’Union soviétique et les États-Unis prolongeaient leurs rivalités stratégiques dans les enceintes sportives.
 
La victoire aux Jeux olympiques reflétait le succès du régime capitaliste ou communiste. Allemagne de l’Ouest et Allemagne de l’Est se livraient en écho la même compétition. Le clivage Est-Ouest a disparu, la rivalité sino-américaine pour la suprématie mondiale trouve son prolongement dans les JO. Cette compétition est avant tout symbolique, mais les symboles comptent énormément dans un monde globalisé et médiatisé. La réussite sportive est un élément du "soft power" et chaque nation veut briller.
 
On regardera également l’accueil fait à la délégation syrienne. En pleine guerre civile, le CIO a refusé d’exclure la délégation olympique syrienne. Dans l’esprit du CIO, ces athlètes ne représentent pas le régime de Bachar El-Assad.
 
Le cavalier spécialiste du saut d’obstacles Ahmad Hamsho a affiché son soutien au régime de Bachar El-Assad, déclarant qu’il cherchait à protéger le pays de groupes terroristes. Il faudra voir quel accueil sera réservé par le public à la délégation syrienne et si des opposants essaieront d’une façon ou d’une autre de se servir des géants comme d’une tribune pour leur cause.
 
Le Qatar créera l’événement pour avoir désigné une femme comme porte-drapeau. Cela n’ira pas sans susciter des débats dans l’ensemble des pays du Golfe. Pour la première fois, l’Arabie Saoudite, après avoir beaucoup tergiversé, va envoyer des sportives participer aux JO. Jacques Rogge, le président du CIO, a gagné son bras de fer avec le Comité olympique saoudien qui jusqu’ici s’y refusait.
 
Certains déploreront que les sportives saoudiennes devront porter le voile avoir le corps entièrement couvert et éviter les zones de mixité. Il n’en reste pas moins que la participation aux compétitions féminines des Saoudiennes est un progrès par rapport à la situation existant jusqu’ici. C’est une étape due aux sports et aux JO dans le long et difficile combat pour l’égalité homme-femme dans ce pays.
Tous les éditos