L'édito de Pascal Boniface

“Le lobby d’Israël et la politique française” publié par Jean-François Goulon sur Mediapart

Édito
11 juillet 2014
Le point de vue de Pascal Boniface

Je me permets de vous inviter à lire cet article “Le lobby d’Israël et la politique française” publié initialement sur CounterPunch par Evan Jones (que je ne connais pas personnellement) et repris par Jean-François Goulon sur le site de Mediapart. Je l’ai découvert avec surprise et plaisir. J’aurais aimé qu’un journaliste ou universitaire français l’écrive, mais ce n’est apparemment pas possible.


http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-francois-goulon/100714/le-lobby-d-israel-et-la-politique-francaise
"Deux Poids, Deux Mesures", par Evan Jones

Article publié le 9 juillet 2014 dans CounterPunch, The Israel Lobby and French Politics. (Traduction: JFG-QuestionsCritiques)
 


"Pascal Boniface est un spécialiste de ce que les Français appellent la « géopolitique ». Sa production a été prodigieuse, traversant une grande variété de sujets. Son dernier livre a été publié en mai, il est intitulé La France malade du conflit israélo-palestinien. Pour ses efforts littéraires dans cette arène, Boniface est passé du statut de commentateur respecté à celui de persona non grata dans les médias du courant dominant.
 


Cette histoire a commencé en 2001. Pascal Boniface était conseiller au Parti Socialiste, le PS étant alors dans un gouvernement de cohabitation sous le Président RPR Jacques Chirac, avec Lionel Jospin comme Premier ministre. En avril 2001, il rédigea une note de recommandation pour les responsables socialistes [téléchargeable à cette adresse : www.marianne.net/attachment/62105]. L’approche du PS vis-à-vis d’Israël était basée sur la realpolitik plutôt que sur des principes éthiques, et il était temps de faire une réévaluation.


Boniface publia dans Le Monde, en août 2001, un article qui allait dans le même sens, lequel déclencha riposte et réprimande de la part de l’ambassadeur israélien d’alors. Boniface devint ensuite une proie rêvée pour le lobby d’Israël (c’est mon terme – lui l’évite assidûment). Boniface a été accusé, au moyen d’un usage sélectif de citations, de préconiser au PS de servir cyniquement la soupe à la communauté française arabo-musulmane, plus nombreuse que la communauté juive, afin de gagner un avantage électoral. Pas plus tard qu’en janvier dernier, Alain Finkielkraut (l’agitateur sur le problème « islamiste » en France) dénonçait Pascal Boniface pour les mêmes raisons.


La note de 2001 contenant 1300 mots est reproduite dans le dernier livre de Pascal Boniface. Dans une note liminaire à cette reproduction, il observe : « Combien de fois n’avais-je pas entendu auparavant qu’on ne pouvait pas bouger sur le Proche-Orient à cause du "vote juif" (sic) qui, bien sûr, n’existe pas, mais qui semble malgré cela être largement pris en compte par les élus de tous bords ? » Et plus loin, « Ce n’est pas parce qu’il y a plus d’Arabes que de juifs qu’il faut condamner l’occupation israélienne. C’est parce qu’elle est illégale et illégitime, contraire aux principes universels et au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. »



Dans cette note elle-même, Boniface fait remarquer :
« Le terrorisme intellectuel qui consiste à accuser d’antisémitisme ceux qui n’acceptent pas la politique des gouvernements israéliens (et non pas l’État d’Israël), payant à court terme, peut s’avérer catastrophique à moyen terme ». Pour paraphraser Boniface : ‘ … cela aura pour résultat de renforcer et de développer une irritation à l’égard de la communauté juive française et l’isolera de plus en plus sur le plan national’. Boniface conclut :


« Il vaut certes mieux perdre une élection que son âme. Mais, en mettant sur le même plan le gouvernement d’Israël et les Palestiniens, on risque tout simplement de perdre les deux. Le soutien à Sharon mérite-t-il que l’on perde 2002 ? Il est grand temps que le PS quitte une position qui […] devient du fait de la réalité de la situation sur place de plus en plus anormale, de plus en plus perçue comme telle, et qui, par ailleurs, ne sert pas […] les intérêts à moyen terme du peuple israélien et de la communauté juive française. »


Ainsi que Boniface le souligne en 2014, « Cette note, hélas, reste d’actualité ».


Ensuite, arrive le 11 septembre. Il y a une seconde Intifada en Palestine. Boniface voulait un débat interne au PS, mais il est accusé d’antisémitisme. La dénonciation trop facile du terrorisme amène avec elle la prohibition de l’interrogation sur ses causes.


Mécontent d’être réduit au silence, Pascal Boniface écrivit un livre en 2003, intitulé Est-il permis de critiquer Israël ?. Il essuya un refus de la part de sept maisons d’édition avant de trouver un éditeur. En 2011, il publia un autre livre intitulé Les Intellectuels Faussaires. Dans ce livre, il demande des comptes à huit personnages très en vue, non pas pour leurs opinions (excessivement pro-israéliennes, néo-conservatrices, islamophobes) mais parce qu’il soutient, preuves à l’appui, qu’ils déforment obstinément la vérité. Pourtant, ils sont tous régulièrement invités dans les médias grand public en tant qu’experts. La question ici est que le livre de 2011 a été rejeté par quatorze éditeurs, auxquels il faut ajouter tous ceux que Pascal Boniface ne s’est pas donné la peine de démarcher, connaissant d’avance leur réponse.


Il a trouvé tardivement un petit éditeur disposé à sortir Faussaires, lequel s’est bien vendu malgré la censure médiatique. Boniface note également que Michel Bôle-Richard, journaliste reconnu au Monde, a connu un rejet similaire de son manuscrit Israël, le nouvel apartheid par dix maisons d’éditions avant de trouver un éditeur de taille modeste en 2013. La France malade, elle, fut rejetée par la maison d’édition qui avait publié son livre de 2003. Faute de mieux, il a été publié aux éditions Salvator, une petite maison de presse catholique. Ainsi que Boniface le fait remarquer, ‘c’est symptomatique du climat en France et c’est précisément pourquoi ce livre a été écrit’. Il convient de noter qu’un grand nombre de médias alternatifs, dont Marianne, Le Canard Enchaîné et Mediapart, évitent cette question.


La France malade ne traite pas du conflit israélo-palestinien. Mieux, ce livre parle de l’influence alarmante qu’exerce le lobby d’Israel national sur la politique française et la société française en général. L’auteur déclare que l’on peut critiquer tous les gouvernements du monde (on peut attaquer sans merci le président français au pouvoir), mais pas celui d’Israël.
 


Après 2001, le PS a subi des pressions pour l’excommunier. Deux groupes de presse régionaux ont cessé de publier ses articles. Il y a eu des tentatives de discréditer son association – l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) – et de le faire renvoyer. Il a été traité d’antisémite.


Au sommet des associations juives françaises se trouve le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France. La préoccupation dominante officielle du CRIF est la lutte contre l’antisémitisme. Lors de son dîner annuel, son président cite le chiffre total des incidents antisémites enregistrés dans l’année, admonestant les élites politiques qui y assistent (‘la présence de ministres rivalise avec celle du 14 juillet’) et qui n’osent pas répliquer.


Il est vrai que les événements antisémites sont récurrents, et l’on a pu noter une progression de ceux-ci pendant plusieurs années au début des années 2000. Le Premier ministre Lionel Jospin fut accusé de ne pas mettre un frein aux fauteurs de troubles (comprendre : les Arabes et les Musulmans) issus des banlieues. Les Socialistes ont été chassés du pouvoir en 2002 et le CRIF est devenu un énergique défenseur et soutien de l’intransigeance du nouveau ministre de l’Intérieur envers les troubles civils.


Mais Jospin était « coupable » de bien plus. L’un des plus ardents supporteurs socialistes d’Israël, Jospin s’est rendu en Israël et dans les Territoires Occupés en 1999. Ayant pu se faire idée de visu, le soutien que son gouvernement accordait à Israël sous le régime de Sharon est devenu moins ardent. Pour le CRIF, si la position de la France n’est pas pro-israélienne à au moins 100%, alors les Juifs français courent un plus grand danger. C’est pourquoi le CRIF maintient comme impératif d’influencer à la fois la politique étrangère et la politique intérieure. Après les meurtres de trois enfants et d’un adulte juifs (parmi d’autres) perpétrés par Mohammed Merah dans une école toulousaine en 2012, le CRIF en fit encore porter la responsabilité à Jospin. Ainsi que Boniface le fait remarquer, le CRIF tente perpétuellement d’influencer la politique française mais se garde bien d’influencer la politique d’Israël.


Lorsque l’éditeur du livre de 2003 de Boniface rejeta son dernier projet (prévu à l’origine comme une édition révisée du premier livre), l’excuse invoquée fut que celui-ci était bourré de statistiques. Il y avait effectivement des statistiques (encouragées par l’engouement français pour les enquêtes d’opinion et les sondages), et elles étayent la cause défendue par l’auteur.


Celui-ci souligne un changement d’attitude après les années 1960. L’antisémitisme était toujours perceptible dans les années 1960 (accepteriez-vous une belle-famille juive ? Un président juif ? Etc.), mais il a décliné constamment depuis lors. En même temps, le soutien populaire à Israël a connu une baisse constante. Jusqu’en 1967, le soutien en France à Israël, en tant que « laissé-pour-compte », est fort. Progressivement, les attitudes ont changé. L’invasion du Liban par Israël en 1982 constitue un tournant. De plus en plus, les manifestations du conflit – les Intifadas, les échecs de Camp David et plus tard d’Oslo – sont attribuées à Israël. De plus en plus, la sympathie est allée en faveur de l’occupé plutôt que de l’occupant.


En 2003, une enquête d’opinion à l’échelle du continent européen a dévoilé qu’une majorité des personnes interrogées, dans tous les pays, voyaient Israël comme menaçant la paix mondiale – devant les Etats-Unis, l’Iran, la Corée du Nord, et d’autres. Si les faits sont vilains, il faut alors les enterrer. Il n’y a jamais eu par la suite d’enquête comparable.


Avec un antisémitisme en baisse et un dégoût pour la politique du gouvernement israélien en hausse, le principal programme du CRIF a été de devenir un « second ambassadeur » d’Israël sous couvert de l’antisémitisme omniprésent qui règnerait en France. D’autres associations comme le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA) et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) font partie des fervents supporters d’Israël.


Boniface cite le président du CRIF Roger Cukierman, en 2005 : « Les enseignants ont la lourde tâche d’enseigner à nos enfants […] l’art de vivre ensemble, l’histoire des religions, de l’esclavage, de l’antisémitisme. Un travail de vérité s’impose aussi pour inscrire le sionisme, ce mouvement d’émancipation, dans les grandes épopées de l’histoire humaine, et non comme un fantasme repoussoir ». Et le président du CRIF Richard Prasquier, en 2011 : « Aujourd’hui les juifs sont agressés pour leur soutien à Israël car Israël est devenu le Juif des nations ». Après 2008, à la suite de l’accession de Prasquier à la présidence du CRIF, le CRIF a institutionnalisé l’organisation de voyages en Israël pour les leaders d’opinion français, et la réception en France de personnalités israéliennes.


Boniface trouve qu’il est odieux que l’antisémitisme soit « instrumentalisé » pour protéger les gouvernements israéliens quels que soient leurs actes. Il y a une tentative générale de censurer tous les événements et les documents qui exposent la politique d’Israël à l’examen.


Un cas typique est la réunion de 300 personnes pour débattre de la question du « boycott », qui était programmée en janvier 2011 à la prestigieuse Ecole normale supérieure. Parmi les participants étaient invités la militante israélienne pacifiste Nurit Peled, qui avait perdu sa fille dans une attaque suicide, et le formidable Stéphane Hessel. Le directeur de l’ENS annula l’engagement à la suite d’une pression directe. La ministre [Valérie Pécresse – ndt] et l’administration de l’enseignement supérieur ont également subi des pressions et, à leur tour, ont fait pression contre l’ENS.


En février 2010, la ministre de la justice de Sarkozy, Michèle Alliot-Marie, a émis une directive criminalisant ceux qui appellent au boycott des produits israéliens. La raison officielle qui fut donnée était qu’un tel boycott milite contre la liberté du commerce. Cette directive prévoit une peine de prison et une lourde amende, et la ministre de la Justice, dans une circulaire, a chargé les procureurs de la faire appliquer vigoureusement. Même la magistrature a critiqué cette directive, faisant remarquer que sa prétendue dépendance vis-à-vis d’une loi anti-discriminatoire de 2004 est inadmissible et qu’elle implique « un attentat juridique d’une rare violence » contre un moyen historique de lutter contre les crimes d’État. Cette directive est toujours en vigueur sous la présidence de Hollande.


Avril 2010, sous la bannière Jcall.eu, un groupe de Juifs européens respectés ont critiqué l’occupation en défense d’une plus grande sécurité pour Israël, exhortant à « deux peuples, deux Etats » – ils ont été attaqués. Mars 2012, Jacob Cohen, un critique juif d’Israël, est physiquement menacé par la Ligue de défense juive (LDJ) durant le lancement de son livre. Novembre 2012, la mairie du 19ème arrondissement de Paris est attaquée par le BNVCA pour son soutien à une exposition sur les Bédouins du Néguev. Son sponsor, l’Union juive française pour la paix (UJFP), est traitée de façade pour la propagande palestinienne. Décembre 2012, l’Israélien Michel Warschawski reçoit le « prix des droits de l’homme de la République française » – il est diabolisé. D’autres intellectuels juifs de premier plan – le franco-israélien Charles Enderlin, Rony Brauman, Edgar Morin, Esther Benbassa, tous membres de l’UJPF – sont diabolisés.


Juillet 2014, trois jeunes Juifs israéliens sont assassinés. Charles Enderlin fait un compte-rendu depuis Israël. La chaîne de télévision France 2 titre le reportage d’Enderlin sur les « trois jeunes Israéliens » en disant « jeunes colons ». Très respecté pour ses reportages mesurés, Enderlin a par la suite essuyé une volée d’injures – du style : ‘il est temps d’organiser un commando pour flinguer ce connard’.


Avril 2012, lors du premier congrès des amis d’Israël. L’Israélien Ofer Bronchtein, président du Forum international pour la paix, arrive en tant qu’invité officiel. La LDJ l’agresse ; les organisateurs, dont le CRIF, lui demandent de partir. Plus tard, Bronchtein a observé :


« Si j’avais été attaqué par des antisémites dans la rue, d’innombrables associations juives auraient rapidement appelé à une manifestation à la Bastille. Lorsque ce sont des associations fascistes juives qui m’attaquent, tout le monde se tait … »


Février 2013, Stéphane Hessel décède. La vie de ce cet homme a été un exemple de courage et d’intégrité morale ; dans ses dernières années, sa vie a été portée à notre attention avec la publication en 2010 d’Indignez-vous ! Hessel, en partie juif, critiquait fortement l’Occupation et le massacre de Gaza en 2008-2009. Sa mort a été fielleusement accueillie par le lobby. Le CRIF l’a étiqueté de « maître à ne pas penser » dont ils n’avaient rien à apprendre et laissé entendre qu’il était gâteux et naïf en procurant du réconfort à la malice des autres. Un blogueur sur JssNews a fulminé : « Hessel ! C’est le mec qui puait le plus (non pas des aisselles mais de ses doigts inquisiteurs à l’égard des juifs d’Israël). » La LDJ s’est réjouie : « Stéphane Hessel l’antisémite est mort. Champagne!!!!!!!! »


Singulièrement, en France, il y a la LDJ. Ses homologues sont interdites en Israël et aux Etats-Unis (mais pas au Canada) et la LDJ représente le bras armé du lobby d’Israël. Le CRIF regarde ailleurs. Boniface note que la LDJ a été traitée avec indulgence jusqu’à ce jour par les autorités ; est-il nécessaire d’attendre qu’il y ait un meurtre pour confronter sa menace ? Sur l’assassinat récent des trois jeunes Israéliens, un tweet de la LDJ profère : ‘Les attentats sont tous commis par les apôtres de l’Islam. Pas d’arabes, pas d’attentats ! La LDJ va répondre très vite et avec force.’


En tant qu’ambassadeur de fait d’Israël, le lobby tente depuis longtemps d’influencer la politique étrangère française. Boniface note qu’en 1953, le nouvel ambassadeur israélien fut accueilli par des représentants juifs qui lui ont déclaré « nous sommes des citoyens français et vous êtes l’envoyé d’un État étranger ». Mais c’était avant.


Lors de ses dîners annuels successifs, le CRIF a appelé la France à reconnaître Jérusalem comme la capitale éternelle d’Israël et d’incorporer Israël en tant qu’État membre de la Francophonie (avec les bénéfices financiers et le levier culturel assortis). Sur ces fronts, le CRIF n’a pas obtenu satisfaction. Mais il a connu d’autres réussites sur le front plus général.


Le tournant arrive avec le refus de Jacques Chirac d’autoriser la coalition des bonnes volontés dans sa ruée criminelle pour envahir l’Irak en mars 2003. Cela ne fait pas rire le lobby. Et pourquoi ? Qui avait un intérêt dans cette invasion et cette occupation ? A la réticence de Chirac lui fut ripostée une stratégie concertée du lobby français en association avec le lobby d’Israël aux USA et les responsables du gouvernement américain pour saper la position française. Ainsi donc, la campagne de « dénigrement français » – qui ne fut pas spontanément générée par les masses américaines après tout offensées. Dans son livre de 2008, celui qui était alors président du CRIF, Roger Cukierman, exprime sa gratitude à la puissance du lobby américain, et à sa capacité de faire pression même sur le dirigeant français à propos de l’Irak.


Boniface soutient que Chirac est rentré dans le rang dès mai 2003. Il y a des liens à haut niveau qui ont été établis entre la France et Israël. Après cela… Sharon est accueilli en France en juillet 2005. La France refuse de reconnaître la victoire électorale du Hamas en janvier 2006 (malgré les liens historiques entre Beyrouth et Paris). La France reste « prudente » en ce qui concerne l’opération Plomb Fondu d’Israël contre Gaza à la fin de 2008 et l’attaque meurtrière de la flottille turque en mai 2010. La France a certes voté « oui » à l’ONU, en novembre 2012, pour un Etat palestinien , mais en général la politique étrangère française est devenu prisonnière des impératifs israéliens, grâce en particulier au lobby national.


* * *


En février 2006, un jeune juif, Ilan Halimi, est torturé et assassiné. Cet événement choquant devient une cause célèbre dans les médias. Le meurtrier d’Halimi était un antisémite. Les infortunés membres du gang du meurtrier ont écopé de diverses peines de prison, mais une partie de la communauté juive se plaint de leur insuffisance, veut qu’ils soient rejugés et fait pression sur l’Elysée. Le meurtre d’Ilan Halimi est depuis commémoré par le « Prix Ilan Halimi contre l’antisémitisme », récompensant toute initiative visant à déconstruire les stéréotypes antisémites, et plusieurs films sont en cours de production. A peu près au même moment un ouvrier de l’automobile a été assassiné pour de l’argent (comme le fut Halimi). Ce dernier meurtre n’a fait l’objet que de quelques lignes dans la presse.
 


Boniface produit des statistiques sommaires qui soulignent le côté peu reluisant de la violence dans la société française. Le compte choquant des meurtres conjugaux, des infanticides à grande-échelle et des ravages des mauvais traitements ou sévices sexuels infligés aux enfants. Des dizaines de milliers d’agressions contre la police et des fonctionnaires. Une série d’attaques en groupe choquantes avec menaces de mort contre des membres des communautés asiatique et turque – ceux qui sont censés conserver beaucoup de liquidités chez eux. Boniface fait remarquer que les agressions antisémites (dont certaines sont mal interprétées dans leur nature) doivent être relativisées.


Et puis, il y a les communautés arabe et musulmane. Une enquête bienvenue a été menée dans les écoles pour combattre le racisme. Un élève fait innocemment remarquer que toute tendance à montrer de l’antisémitisme est accueillie par un énorme appareil de condamnation. (la Loi Lellouche de 2002 a durci les peines pour racisme et, en particulier, pour antisémitisme.) D’un autre côté, faisait remarquer cet élève, les tendances à la discrimination raciste contre les Noirs et les Arabes sont ignorées ou traitées à la légère.


Il y a, ainsi que Boniface le formule, « deux poids, deux mesures. Cela est largement ressenti et très mal supporté. DPDM aurait pu être le motif de son livre.


Les Arabes et les Noirs s’abstiennent souvent de rapporter les mauvais traitements ou les agressions dont ils sont victimes parce qu’ils pensent que les autorités ne donneront pas suite à leur plainte. Des femmes portant le voile sont continuellement harassées et agressées physiquement. Une jeune femme enceinte a reçu un coup de poing dans le ventre et a perdu son enfant. Il y a une utilisation continuelle qui est faite du terme « sale arabe ». Les Arabes et les Noirs sont continuellement harassés par la police à cause de leur apparence et de leur supposée origine ethnique. L’islamophobie s’intensifie, avec le soutien implicite du CRIF et de célébrités pro-israéliennes comme Alain Finkielkraut. (Ce dernier a été récemment élevé au firmament de l’Académie française ; ses détracteurs ont été traités d’antisémites.)


Salutaire est l’éternelle humiliation que connaît Mustapha Kessous, journaliste au Monde. Boniface observe que Kessous ‘maîtrise parfaitement les conventions sociales et la langue française’. Pas suffisant, semble-t-il. A bicyclette ou en voiture, il se fait arrêter par la police qui lui demande s’il ne l’a pas volée. Il se rend dans un hôpital mais on lui demande, « où est le journaliste ? » Il assiste à une audience au tribunal et on le prend pour l’accusé, et ainsi de suite.


En 2005, un franco-palestinien, Salah Hamouri, est arrêté à un barrage de l’armée israélienne et finit par être inculpé sous l’accusation forgée de toute pièce d’être impliqué dans le meurtre d’un rabbin. En 2008, il accepte de « négocier un plaider-coupable » et est condamné à sept années de prison. Il a été libéré en 2011 dans l’échange collectif contre la libération du soldat français des forces de défense israéliennes, Gilad Shalit. En France, Shalit est traité avec révérence, bien qu’il se soit volontairement enrôlé dans une force d’occupation. La situation désespérée d’Hamouri a été traitée dans l’indifférence générale. DPDM.


En mars 2010, Saïd Bourarach, un agent de sécurité arabe dans un magasin de Bobigny, est assassiné par un groupe de jeunes gens, juifs et connus de la police. Ils s’en sortent en affirmant que l’agent assassiné avait lancé des insultes antisémites. En décembre 2013, des jeunes juifs passent à tabac un serveur arabe pour avoir posté une « quenelle » (un geste anti-autorité ridiculement déclaré comme répliquant une attitude nazie, et donc antisémite) sur un réseau social. Cet événement n’a reçu aucune couverture médiatique.


DPDM. Les médias sont en partie responsables. Les autorités avec leur parti-pris manifeste sont en partie responsables. Le lobby est, lui, lourdement responsable.


Boniface est, à juste titre, obsédé par la promesse d’un universalisme officiellement ancré dans la République française. Il s’oppose au sabotage de cet impératif par ceux qui défendent la politique indéfendable des gouvernements israéliens et qui détournent et faussent la politique en France à cette fin.


Pour le mal qu’il se donne, Pascal Boniface est dénigré et marginalisé. Evidemment, il refuse de s’avouer vaincu. D’où, La France malade…"


Evan Jones est économiste-politique, aujourd’hui à la retraite, de l’université de Sydney.

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