L'édito de Pascal Boniface

La semaine des ambassadeurs : une standing ovation méritée pour Laurent Fabius

Édito
29 août 2015
Le point de vue de Pascal Boniface
Ceux qui persistent à croire que la fonction d’ambassadeur consiste essentiellement à organiser des réceptions et à distribuer des chocolats sont certainement des spectateurs assidus des spots publicitaires mais ont assez peu de prise avec la réalité contemporaine.

Certes, il y a des réceptions dans nos ambassades à l’étranger. C’est une occasion de faire des contacts, d’obtenir de façon informelle des informations, de faire vivre un réseau.

Mais cela n’est que la partie immergée de l’iceberg du travail de l’ambassadeur. Il informe Paris sur ce qui se passe dans son pays de résidence et surtout défend les intérêts nationaux de la France.

La méthodologie a nettement évolué. L’époque où les ambassadeurs se contentaient de contacts avec les représentants officiels est largement révolue, ce depuis longtemps. Ils sont désormais en prise avec la société civile, l’opposition, la presse, les universitaires, les entreprises, etc.

La traditionnelle Conférence des ambassadeurs, qui a eu lieu du 24 au 28 août, a permis de vérifier combien la fonction était loin des fausses idées reçues. Ce rendez-vous créé par Alain Juppé en 1993 a été transformé cette année par Laurent Fabius pour en faire une semaine des ambassadeurs, dans un format et avec une activité tout à fait nouvelle sous le signe d’un Quai d’Orsay en phase avec son temps.

Plusieurs tables rondes, ouvertes au public, ont été organisées lundi après-midi sur des sujets aussi divers que l’Ukraine, l’accord sur le nucléaire iranien, l’Europe, les diplomates face aux crises et la conférence mondiale sur le climat, COP 21, prévue en décembre à Paris. Des centaines d’étudiants ont pu assister à des débats intéressants et informatifs.

Les ambassadeurs ont joué le jeu, évitant la langue de bois. En marge de ces débats, étaient organisées des rencontres directes informelles avec différents ambassadeurs qui parlaient de leur expérience. Pour de nombreux jeunes, c’était l’occasion pour la première fois d’avoir un contact avec des diplomates.

Autre innovation, a été organisé un speed dating entre des chefs d’entreprises de PME-PMI intéressées par le marché étranger mais qui n’ont pas la taille suffisante pour avoir une direction internationale, et les ambassadeurs en résidence dans les pays dont le marché les intéresse. Plus de 500 rendez-vous d’un quart d’heure se sont ainsi tenus.

L’époque où l’ambassadeur estimait que les questions économiques n’étaient pas suffisamment nobles pour qu’il s’en occupe appartient également au passé. Depuis 2012, Laurent Fabius met en effet l’accent sur la diplomatie économique.

Comme l’a dit Louis Schweitzer, président du conseil des affaires étrangères du Quai d’Orsay, « pour un ambassadeur, désormais, l’économie et l’entreprise ne sont plus des matières option ». Les chefs d’entreprise reconnaissent qu’ils sont heureux de l’assistance que leur portent nos ambassades.

On peut également retenir la reconnaissance du rôle des collectivités locales dans l’action internationale. Le Quai d’Orsay y a longtemps vu un potentiel rôle de perturbateur. Il y voit désormais un complément indispensable qui sert également l’intérêt national. Dans cette logique, le ministère va envoyer un conseiller diplomatique auprès de chaque préfet des 13 nouvelles régions.

Une journée entière a été consacrée à la 21e conférence mondiale sur le climat de Paris à venir, avec la présence du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Rendez-vous essentiel pour l’avenir de la planète, l’espoir d’un accord contraignant est raisonnable. Laurent Fabius en fait un objectif prioritaire auquel il consacre une grande partie de son temps.

Les compétences du ministère ont été élargies avec le rattachement du commerce extérieur et la promotion du tourisme, pour devenir le ministère des Affaires étrangères et du Développement international.

Dans son discours de clôture, Laurent Fabius a évoqué les crises actuelles, a tracé un tableau global de la scène internationale, du rôle de la France, et de la réforme du ministère.

Il a ainsi parlé du projet MAEDI 21 (avec le rattachement du commerce extérieur et la promotion du tourisme, le ministère est devenu ministère des Affaires étrangères et du Développement international en 2014) : projet d’adaptation du ministère à la diplomatie globale pour le 21e siècle, modernisation technologique, féminisation (11 % de femmes ambassadeurs en 2012, 29 % aujourd’hui), facilitation des procédures de visa, prise en compte des critères écologiques. Dès 2016, tous les ambassadeurs devront être actifs sur les réseaux sociaux avec une stratégie d’audience.

A l’horizon 2025, 25 % des effectifs du ministère seront affectés dans les pays émergents contre 13 % aujourd’hui. En 2017, la Chine deviendra la première ambassade dans le monde par ses effectifs. Preuve de l’adhésion des ambassadeurs, le discours du ministre s’est achevé sur une standing ovation.

Aujourd’hui, un ministre des Affaires étrangères doit réagir comme un urgentiste, réfléchir comme un architecte pour penser global et à long terme, et être un artisan à même d’adapter ses outils.
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