05.12.2024
Israël / Palestine : un risque d’importation du conflit en France ? C’est déjà le cas
Édito
15 juillet 2014
Pour celle de Paris, il y a des interprétations contradictoires, certaines stigmatisant les manifestants, d’autres mettant en avant des provocations de membres de la Ligue de défense juive. Quelles que soient ces provocations (et la LDJ en est coutumière) rien ne peut permettre de s’en prendre à des synagogues ou à tout autre bâtiment communautaire.
Mais revenons à la préoccupation principale de nombreux responsables politiques et des médias. Y a-t-il un risque nous importions le conflit israélo-palestinien en France ? Cette question ne se pose pas ! Le conflit est importé depuis déjà très longtemps dans notre pays. Le défi, c’est de l’encadrer pour qu’il ne dégénère pas.
Les institutions communautaires juives appellent sans cesse les juifs français à se montrer d’une solidarité sans faille avec Israël. Le dîner annuel du CRIF, où la classe politique se presse avec encore plus d’enthousiasme qu’au défilé du 14 juillet, est une occasion réitérée de faire le procès d’une diplomatie française qui ne serait pas suffisamment favorable au gouvernement israélien. Lorsqu’il y a une divergence entre le gouvernement israélien et le gouvernement français, les institutions communautaires demandent toujours au gouvernement français de changer de position, jamais au gouvernement israélien de le faire. Il y a dans certaines synagogues des réunions de mobilisation pour permettre le recrutement de jeunes français dans l’armée israélienne. Des appels à la solidarité avec l’armée israélienne sont fréquents. Un journaliste, universitaire ou homme politique français qui se montrerait critique à l’égard de l’action politique du gouvernement israélien court de façon quasi automatique le risque d’être accusé d’antisémitisme par ces organisations. Et sa carrière peut en être gravement affectée d’où une auto-censure assez largement répandue sur ce sujet.
Le CRIF dénonce régulièrement les reportages télévisés qui lui paraissent défavorables au gouvernement israélien et tente régulièrement d’interdire, parfois avec succès, des conférences et expositions de solidarité avec les Palestiniens accusées de générer de l’antisémitisme.
D’un autre côté, de nombreux Français se mobilisent en faveur de l’autodétermination du peuple palestinien. Il y a parmi ces Français des Arabes et des musulmans, dont certains projettent leur propre situation de discrimination sur ce qui se passe là-bas. Il y a également de nombreux juifs qui estiment contraire à la conception qu’ils se font du judaïsme pour certains, ou l’attachement à des valeurs universelles, la répression que subissent les Palestiniens. Il y a enfin de nombreux Français qui estiment tout simplement qu’au XXIe siècle, l’occupation d’un peuple par un autre n’est pas admissible d’un point de vue moral et est par ailleurs dangereuse d’un point de vue politique et stratégique.
Inutile de proclamer qu’il ne faut pas importer le conflit. Nous le vivons au quotidien. S’il n’est pas celui qui fait le plus de morts, s’il y en a d’autres qui sont bien plus cruels, il est celui qui, en France, suscite le plus de passion d’émotions, divise les familles, les partis politiques. Des amis de longue date peuvent être brouillés de façon durable à cause de divergences sur ce conflit, alors que d’autres désaccords ne conduisent pas à de telles extrémités. Il peut y avoir dans les manifestations de solidarité à la Palestine des excités qui veulent en découdre ou qui franchissent la limite entre la critique légitime du gouvernement israélien et antisémitisme.
Mais il y a dans les manifestations de solidarité avec Israël des extrémistes racistes qui se livrent à des ratonnades en marge des manifestations. La LDJ s’en est pris physiquement, à de nombreuses reprises, à des personnalités (y compris juives ou israéliennes mais ce n’est pas alors comptabilisé comme un acte antisémite) qui critiquaient le gouvernement israélien, tout en continuant à bénéficier d’une impunité réelle, alors qu’il s’agit d’une organisation interdite en Israël et aux États-Unis.
Interdire les manifestations de solidarité avec les Palestiniens, comme l’a proposé le président du CRIF, serait un remède pire que le mal. Ou faudrait-il alors interdire également les manifestations de soutien à Israël, dont on peut penser que le dîner annuel du CRIF fait partie ? La peur de diviser le public, de faire monter les tensions, de jeter de l’huile sur le feu, fait que trop souvent on n’aborde pas franchement la question du conflit israélo-palestinien. La volonté de ne pas l’importer est souvent mise en avant. Dans la mesure où il fait partie de notre quotidien et que les choses ne peuvent que s’exacerber, ce n’est pas la bonne solution. Il faut contraire plaider pour que l’on puisse en parler tout à fait librement en débattre ouvertement sans interdit.
Le débat sans tabou est le meilleur moyen de faire baisser la pression. Vouloir l’empêcher, c’est faire la part belle aux rumeurs de la désinformation et à la théorie du complot. Le risque n’est pas l’importation du conflit. C’est qu’il dégénère en violences. Il faut donc permettre tous les débats et interdire et condamner toute violence. Ce serait un progrès immense pour notre pays que les différentes associations de solidarités avec Israël et la Palestine se mettent d’accord sur ce programme minimal. Chiche, au nom du débat républicain ?