L'édito de Pascal Boniface

 Dernières nouvelles du crime – Trois Questions à Alain Bauer

Édito
8 juillet 2014
Le point de vue de Pascal Boniface
Dans la collection de poche des éditions du CNRS, Alain Bauer vient de publier « Dernières nouvelles du crime », un survol incisif en 60 pages de la criminalité internationale organisée.
 

1/ Vous montrez que le concept de criminalité internationale organisée est tout sauf nouveau.

En général, ce qui semble nouveau en matière criminelle ou terroriste, qui n’en est qu’une facette, est ce qu’on a oublié. Dans une société connectée, où le temps s’est rétracté, la mise en perspective est de plus en plus difficile et l’amnésie de plus en plus rapide.

La globalisation du crime a commencé avec les colonisations et le premier empire industriel construit en Grande Bretagne. Outre des matières premières et des machines, on importait de l’opium, on se livrait au trafic d’êtres humains, on spéculait. A partir du début des années 1880, les anarchistes – ou se réclamant de ce courant politique –, ont lancé des campagnes d’attentats à l’explosif en Europe et en Amérique du Nord, assassinant une demie douzaine de chefs d’Etat dont le Président américain Mac Kinley en 1901. Londres devint le refuge des anarchistes et la tension issue de leur présence marquera l’époque. On pourra donc parler d’un premier « Londonistan »… La première tentative d’attentat fut recensée en 1894 quand un Français fut tué alors qu’il tentait de détruire l’observatoire de Greenwich. Le premier Londonistan était né.

L’industrialisation criminelle est née à Marseille et Chicago quelques décennies plus tard. Les besoins en voies de communication modernes ont permis de dépasser, puis submerger, les frontières et faciliter les implantations criminelles.

2/ Vous attribuez une part majeure au monde du crime les grandes crises financières (Japon, Russie, Mexique, États-Unis) qui ont ébranlé le monde. 

Si pendant longtemps la Finance a été la victime du crime organisé, particulièrement lors des plus grands Hold Up de l’histoire au début des années 80 aux Etats Unis et au japon (plusieurs centaines de milliards de dollars dérobés sous la menace dans des dizaines de petites banques), les processus de dérégulation et de privatisation, la masse de ressources provenant du trafic des stupéfiants ont changé la donne et accéléré de nombreuses crises financières au Mexique, en Thaïlande, en Russie, en Argentine, … A tel point que le contrôle de la plupart des sites offshore donne au crime organisé une puissance inégalée.

3/ Le cybercrime est-il la nouvelle frontière ?

Il y a une grande confusion sur le sujet. Outre le fait que le terme cyber se réfère plus a la complexité qu’à l’informatique, le fait de confondre cybercrime (pour voler), cyber espionnage (pour s’informer sans se faire remarquer), cyberguerre (pour détruire) … Seul l’agent operateur, le hacker, peut faire tous ces métiers à la fois. Pour autant on s’intéresse peu à l’architecture même d’internet, dont on ne se rappelle plus qu’il s’agit initialement d’un outil militaire.

Le cyber crime n’est aujourd’hui, pour l’essentiel, que du bon vieux crime avec de la technologie en plus qui necessite dans 99% des cas la participation de la victime à son propre dépouillement.

Depuis fin 2013, après 40 ans d’attente, des premières opérations de hacking de masse ont été enregistrées, mais en utilisant des failles connues et sous estimées des serveurs des victimes. Mais le prochain Far-West criminel est sans doute bien 2.0.
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