L'édito de Pascal Boniface

Barack Obama a-t-il affaibli les États-Unis ?

Édito
15 octobre 2015
Le point de vue de Pascal Boniface

Les candidats démocrates à la primaire tentent tous de se démarquer d’Obama. Quant aux républicains, ils sont unanimes à l’attaquer pour avoir affaibli le leadership américain dans le monde. Qu’en est-il exactement ?


Création de l’État islamique, impuissance face à Bachar el-Assad, montée en puissance de la Chine, annexion de la Crimée par la Russie, incapacité à imposer la paix au Proche-Orient, Barack Obama est accusé d’absence de réaction et de faiblesse en politique étrangère.


En juin 2014, la chaîne Fox news dévoilait un sondage selon lequel 55 % des Américains estimaient que Barack Obama aurait affaibli les États-Unis. Les différents candidats républicains à la primaire l’accusent de mener une politique timorée et insistent sur la nécessité de restaurer un leadership américain mis à mal par l’actuel président.


Barack Obama estime qu’il a été élu pour mettre fin aux guerres aventureuses dans lesquelles George Bush avait lancé les États-Unis, et pas pour en déclencher de nouvelles. Sa priorité a été un retrait maîtrisé des troupes américaines d’Afghanistan et d’Irak. Mais la constitution d’un État islamique sur une partie du territoire irakien et syrien a fait dire aux Républicains que si Bush avait gagné la guerre, Obama avait perdu l’Irak. C’est injuste car la situation catastrophique de la région a bien été créée initialement par la guerre lancée par les Américains en 2003. En Syrie, on peut reprocher à Obama d’avoir tracé des lignes rouges qu’il n’a ensuite pas fait respecter : il avait indiqué que les États-Unis interviendraient en cas d’usage d’armes chimique par le régime syrien ; il n’a cependant pas réagi en août 2013 lorsque cette utilisation était avérée. Cette inaction a cependant été rattrapée par un accord sponsorisé par les Russes de désarmement de l’arsenal chimique syrien. Face à la guerre civile syrienne, c’est l’ensemble de la communauté internationale qui s’est révélée être impuissante. Si les Russes s’engagent aux côtés de Bachar el-Assad, ni Obama, ni les Occidentaux, ni les pays du Golfe, ne veulent être entraînés dans un conflit de grande ampleur, le contre-exemple irakien étant présent chez tous, ainsi que les problèmes que peuvent susciter les interventions militaires occidentales dans la région.


Certains lui ont reproché de ne pas suffisamment mérité le prix Nobel de la paix qui lui est attribué en 2009. Il n’a pu avancer sur le conflit israélo-palestinien après avoir demandé l’arrêt de la colonisation et a assisté, impuissant, à sa poursuite, le premier ministre israélien Netanyahou bénéficiant d’un large soutien au Congrès. Il a poursuivi l’inutile système de défense antimissile.


Mais Barack Obama était président lorsque Ben Laden a été éliminé. Il a fait un usage massif de drones pour éliminer des personnes accusées de terrorisme par les États-Unis au Pakistan et au Yémen. Il a, avec l’accord du 14 juillet 2015 sur le nucléaire iranien, réussi une réconciliation historique avec Téhéran après 36 ans de brouille. De même, il a su rétablir les relations diplomatiques avec Cuba, rompues depuis le début des années 60. Enfin, il a considérablement amélioré l’image des États-Unis dans le monde dont l’état était catastrophique après les deux mandats de George Bush.


Le « déclin relatif » des États-Unis est plus dû à l’émergence des autres puissances qu’à l’action particulière de Barack Obama. C’est une évolution structurelle qu’il a plus ralentie qu’accélérée. Il a voulu avoir une approche « multilatéraliste », tout en préservant la spécificité américaine.


Sa philosophie peut être résumée ainsi : les États-Unis ne peuvent résoudre seuls tous les problèmes du monde, mais sans les États-Unis aucun grand problème du monde ne peut être résolu. Il a également déclaré qu’une intervention militaire américaine ne peut être la seule ni même la principale composante du leadership en toutes circonstances. Malgré la montée en puissance des programmes militaires russes et chinois, les États-Unis gardent une très large avance en ce domaine. Le taux de chômage a été réduit en 2015 à 5,5 % de la population active, taux particulièrement bas. L’économie américaine est sortie de la grave crise de 2008, même si les inégalités restent importantes. La révolution du gaz de schiste, intervenue pendant son mandat, donne aux États-Unis une autonomie énergétique qu’ils avaient perdue. Contrairement à George Bush, Obama s’est engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique.


Barack Obama a conscience des limites de l’action des États-Unis dans un monde globalisé. Mais une grande partie des Américains, croyant toujours au mythe d’un monde unipolaire, de la «destinée manifeste» des États-Unis, ne sont pas conscients de cette évolution majeure.

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