L'édito de Pascal Boniface

Un Euro réussi

Édito
11 juillet 2016
Le point de vue de Pascal Boniface
Voilà. L’Euro 2016 est terminé. Félicitations à l’équipe du Portugal qui mérite sa victoire. Quelques conclusions peuvent être tirées de cette compétition.

Tout d’abord, en termes de sécurité : mis à part les débordements de quelques hooligans d’extrême droite, venant de Russie et de quelques pays de l’est, le tout s’est formidablement bien passé. Rappelons-nous que certains demandaient à ce que il n’y ait pas de « fan zones » quand d’autres exigeaient que les matchs se déroulent à huis clos. Quelle image la France aurait donnée d’elle-même ? Il aurait fallu abandonner l’espoir d’accueillir les Jeux olympiques (JO) de 2024. La parfaite organisation de l’Euro vient renforcer la crédibilité de la candidature de Paris. L’absence de « fan zones » aurait entravé l’image d’une destination touristique à vocation mondiale. Au contraire, des millions d’étrangers sont venus dans de bonnes conditions en France et ont été touchés par l’accueil reçu. Sur 2 500 000 billets vendus pour les 51 matchs, 1 500 000 ont été achetés par des visiteurs étrangers, et on estime à 7 millions le nombre de visiteurs étrangers. Tous sont repartis avec une image positive de la France.

L’idée de Michel Platini d’un Euro à 24 pays, très critiquée à l’époque, a également été un franc succès. Cela a permis aux pays qui ordinairement ne participent pas à la compétition de créer de très belles surprises sportives, à l’image du Pays de Galles, de l’Irlande du Nord et de l’Islande. Leurs magnifiques supporters ont fait partie du spectacle et ont enchanté le pays.

Enfin, on a retrouvé l’histoire d’amour entre la France et son équipe de football. Palpable dès le début de l’Euro, cette passion est montée en flèche au fur et à mesure de la compétition. De plus, le fait que les matchs de poule ne se soient pas très bien passés en début de compétition a ajouté à l’enthousiasme. Mais il faut rappeler d’où on venait après avoir été battu le 15 novembre 2013 2-0 par l’Ukraine en match de barrage pour la qualification de l’équipe de France. De nombreux commentateurs ont alors fustigé cette équipe. Cinq jours plus tard elle a remporté une victoire inoubliable 3-0 au stade de France lui permettant d’aller au Brésil. Ce match fédérateur a tout changé. Une fois de plus, certains commentateurs sont prompts à brûler ce qu’ils ont adoré ou adorent ce qu’ils ont voulu mettre au feu. Ici comme ailleurs la mise en perspective et le sens du temps long font défaut.

La France, pays traumatisé par les questions sociales, économiques et sécuritaires a de nouveau retrouvé le sourire grâce à son équipe de football, et ce malgré sa défaite en finale. Bien sûr, cela ne change pas les fondamentaux du pays mais du moins cela lui permet d’être plus optimiste et d’avoir une haute estime de soi. Le football n’est pas magique mais il ne faut pas nier ses vertus curatives. La France est aujourd’hui plus belle qu’elle ne l’était le 10 juin dernier grâce au merveilleux parcours de son équipe de football.

Cela ne changera pas le vote lors de l’élection présidentielle de 2017, qui est basé sur d’autres fondamentaux. Si on observe une poussée dans les sondages du président de la République, elle sera légère et courte. Toute tentative de récupération trop visible aurait un effet contreproductif. Contrairement à ce que disent certains, le football n’est pas l’opium du peuple.

Il est intéressant de voir l’évolution du Front national (FN) sur ce sujet : il fut un temps où Jean-Marie Le Pen fustigeait le trop grand nombre de noirs dans l’équipe : pour lui noir n’était pas Français (Alain Finkielkraut disait la même chose ; il est resté muet lors de cet Euro). Il est à noter qu’aujourd’hui le FN ne critique plus l’équipe de France pourtant aussi diverse qu’auparavant. Cela est significatif du changement de communication et, en même temps, révélateur d’une telle popularité de l’équipe de France que même le FN ne souhaite pas aller à son encontre.
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