L'édito de Pascal Boniface

James Bond fête ses 50 ans: de l’URSS au nucléaire, un 007 politiquement consensuel

Édito
10 octobre 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
James Bond a aujourd’hui 50 ans. Ou plus exactement, il y a 50 ans le premier film inspiré des romans de Ian Fleming sortait sur les écrans. Et James Bond n’est pas seulement un libertin (en avance sur son époque) et un épicurien. Il remplit aussi une fonction géopolitique.
 
James Bond est initialement un produit de la guerre froide, ses aventures se déroulant dans un monde bipolaire. Mais, bien que lancé en pleine guerre froide, le premier film, en avance sur son temps, tient déjà un langage de détente. Les auteurs et scénaristes tiendront à une présentation politiquement correcte : l’ennemi ne sera donc pas l’Union soviétique, mais un groupe terroriste tentaculaire appelé le Spectre qui, bien avant Al-Qaïda, représente un groupe infra-étatique constituant une menace majeure pour la sécurité internationale. Mais, contrairement à Al-Qaïda, le Spectre possède des infrastructures, des financements et des moyens humains et technologiques dignes d’un État puissant.
 
Dans l’épisode "On ne vit que deux fois", James Bond évite même une crise entre l’URSS et les États-Unis, dont les engins spatiaux avaient disparu conjointement du fait d’une manœuvre du Spectre. De même, dans "Jamais plus jamais" (1983), il réussit à élucider la disparition d’ogives nucléaires américaines : encore un mauvais coup du Spectre.
 
À une époque où la Grande-Bretagne a perdu une grande partie de sa puissance et où elle joue le rôle de la Grèce dans la Rome antique, c’est-à-dire un pays qui, par sa culture et la profondeur de sa réflexion, peut éclairer la nouvelle nation dominante du monde, les États-Unis, James Bond – agent britannique – permet à de nombreuses reprises de sauver le monde occidental et donne une image flatteuse de son pays.
 
La Grande-Bretagne n’est plus la première puissance du monde, mais elle a toujours un rôle déterminant grâce à son savoir-faire, son courage, sa détermination et le flair d’un agent plein d’humour et de charme, que ne peuvent posséder les agents américains.
 
Alors que tant de films d’espionnage ou d’action sont violemment anti-soviétiques, puis anti-islamiques, James Bond évite ces pièges. Ni Moscou, ni Pékin, ni les musulmans en tant que tels ne sont des ennemis. Dans "Meurs un autre jour" (2002), la Corée du Nord est mise en cause. Mais qui peut défendre la Corée du Nord ?
 
Les autres films abordent des sujets à la fois modernes et rassembleurs : l’eau dans "Quantum of Solace" (2008), les marchés financiers dans "Casino royale" (2006), le pétrole dans "Le monde ne suffit pas" (1999). "Skyfall", le prochain épisode, va évoquer le cyber-espace.
 
James Bond est toujours dans son époque et politiquement consensuel. Car son public n’est pas seulement occidental, mais multipolaire.
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