L'édito de Pascal Boniface

Philippe Val et Olivier Poivre-d’Arvor ont-ils émis une fatwa contre moi ?

Édito
9 juillet 2013
Le point de vue de Pascal Boniface

Il n’y a, a priori, guère de points communs entre Philippe Val et Olivier Poivre-d’Arvor. Certes, les deux dirigent une antenne de Radio France. Mais à part ça, tout semble séparer l’ancien anarchiste reconverti en néoconservateur et l’homme de gauche qui, après avoir soutenu Martine Aubry pendant la primaire PS, a déclaré son soutien à François Hollande lors de l’élection présidentielle, dans l’espoir affiché d’obtenir le ministère de la Culture.
 


 Je suis en fait un trait d’union entre les deux. Tant Philippe Val qu’Olivier Poivre-d’Arvor ont intimé, de façon brutale pour le premier, plus subtile pour le second, aux animateurs officiant sur leurs stations de ne plus m’inviter après la publication de mon livre "Les intellectuels faussaires" [1]. 
 


Philippe Val était nommément mis en cause dans ce livre. Alors que j’étais invité à l’émission "Le téléphone sonne" en mai 2011, lors de sa publication, il a explosé de colère. Dans un accès de rage qui peut le caractériser, il a fait comprendre assez violemment aux différents animateurs qu’il n’était plus question que ce genre d’incident se reproduise. Ses consignes ont été respectées, mis à part à l’été 2012 où un journaliste courageux a enfreint la consigne pour m’inviter de nouveau au "Téléphone sonne". Mais alors que j’étais, à intervalles réguliers, invité dans différentes émissions de France Inter, je ne le suis plus.
 


 Olivier Poivre-d’Arvor ne faisait pas partie de la galaxie des personnages épinglés dans "Les intellectuels faussaires". Il était, avant ce livre, fort bien disposé à mon égard, m’ayant même sollicité pour devenir chroniqueur sur l’antenne qu’il dirige. La publication des "Intellectuels faussaires" l’a refroidi, puisque j’attaquais des gens faisant partie du réseau sur lequel il s’appuie. Pire encore, alors que j’avais été invité pendant cinq minutes dans la matinale pour parler du livre, juste avant la chronique d’Alexandre Adler, Olivier Poivre-d’Arvor s’est montré fort mécontent de ma présence. Par la suite, lorsque je racontais son changement d’attitude à mon égard dans l’édition de poche du livre, il a fait circuler parmi les différents animateurs la photocopie du passage le concernant, afin que le message soit bien compris. Il l’a été. Je n’ai plus jamais été invité sur France Culture, matinale ou autre émission.
 


J’ai été invité par la rédaction de France Culture à parler de mon livre "Les intellectuels Intègres". La rédaction est indépendante et dispose d’un statut protecteur, contrairement aux animateurs dont le contrat est renouvelé chaque année, à la fin de chaque saison. On aurait pu penser qu’un livre comme "Les intellectuels intègres", fait de longs entretiens avec 15 intellectuels d’horizons différents, s’interrogeant sur leur fonction, aurait pu intéresser différentes émissions de France Culture. Prudents, les autres animateurs ont refusé d’en parler.
 


 On pourrait s’étonner que ces deux personnages qui clament haut et fort leur attachement à la liberté d’expression aient un comportement maccarthyste. On pourrait s’étonner qu’ils agissent pour des motifs personnels parce que je les ai mis en cause et qu’ils agissent comme s’ils étaient propriétaires personnels de l’antenne. On pourrait s’étonner qu’ils soient aussi scrupuleusement obéis par les animateurs ou journalistes qui proclament par ailleurs leur indépendance. On pourrait surtout s’étonner que personne ne s’en étonne réellement.
 


Une journaliste d’un supplément télévision m’a contacté il y a un mois à propos d’un tweet que j’avais fait, évoquant mon interdiction d’antenne sur France Inter. Le sujet l’intéressait et elle voulait m’interviewer "de façon urgente" selon ses propos. Il n’a pas dû intéresser beaucoup plus dans sa rédaction puisque l’interview, trois fois reportée, n’a jamais eu lieu.
 


Existe-t-il des accords de coopération entre différents médias qui les empêchent de se mettre en cause mutuellement ? Il ne faudrait, dès lors, guère s’étonner si dans une partie du public s’installe une relative défiance à l’égard des médias. Heureusement, il reste tout de même quelques espaces de liberté.
[1] Pascal Boniface, Les intellectuels Faussaires, JC Gawsewitch, mai 2011

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