L'édito de Pascal Boniface

Kissinger à Pékin : quand la Chine se met au soft-power

Édito
3 juillet 2013
Le point de vue de Pascal Boniface
Officiellement, la Chine ne s’occupe pas des opinions que les étrangers peuvent porter sur sa politique. Hypersensible sur les questions de souveraineté, elle affirme haut et fort ne pas tenir compte des opinions extérieures, et être insensible aux critiques.
 
Cela n’est pas tout à fait exact et la Chine, comme les autres puissances, se met à sa manière à s’occuper du soft-power.
 
À l’initiative de sommets internationaux

 
Les instituts Confucius se développent à travers le monde. Ils sont un relais culturel de la politique chinoise. Au moment où les occidentaux réduisent leur représentation extérieure, la Chine met en avant l’intérêt que beaucoup de gens portent à sa culture, à sa civilisation, pour faire passer son message politique. Elle a, à l’instar des autres pays, lancé une chaîne de télévision internationale destinée à séduire les téléspectateurs du monde.
 
Elle se lance également dans le débat d’idées. Le China Center for International Economic Exchanges (CCIEE) vient d’organiser le troisième "Sommet global des think-tanks" en invitant une cinquantaine de représentants de think-tanks du monde entier pour phosphorer pendant deux jours sur les évolutions stratégiques et les mutations de l’ordre mondial.
 
Parmi les invités-vedettes Henry Kissinger (toujours idolâtré en Chine, il fallait voir les experts chinois voulant se faire photographier avec lui, comme si c’était une rock star), le directeur de l’OMC Pascal Lamy (qui au cours de ses 8 ans de mandat et venu 20 fois en Chine) et l’ancien Premier ministre japonais Hatoyama.
 
À quand une identité extérieure chinoise ?

 
La montée en puissance économique et stratégique de la Chine est incontestable mais les dirigeants chinois ont compris qu’ils souffraient d’un déficit en termes d’image, de soft-power, de présence dans la bataille d’idées. Ils voulaient montrer aux représentants étrangers que le débat était ouvert chez eux et que les intellectuels chinois faisaient autre chose que répéter les discours officiels, qu’ils pouvaient faire preuve d’originalité et d’interrogations sur le destin de leur propre pays et que le débat sur la marche du monde était ouvert.
 
C’est donc une inflexion notable des dirigeants chinois, qui veulent se mettre au diapason des occidentaux dans le domaine des think-tanks. Il faut donc s’attendre de plus en plus à voir des experts chinois participer au ballet des colloques internationaux, et défendre leurs idées. L’époque où ils n’y allaient pas, faute de moyens et surtout faute d’arguments, est révolue.
 
Mais en terme de soft-power la Chine a encore du chemin à parcourir.
 
Un participant européen a fait remarquer avec malice aux auditeurs chinois qu’il fallait poursuivre leurs efforts en sa direction en prenant l’exemple très concret dans les rues de Pékin (où on constate à la façon dont les gens sont habillés l’augmentation du niveau de vie) on voit fréquemment des passants qui portent soit le maillot d’une équipe de football européenne ou le T-shirt d’une université américaine, il n’y a pas encore dans les rues des capitales occidentales de jeunes qui portent des vêtements liés à l’image de la Chine.
Tous les éditos