L'édito de Pascal Boniface

La France et les musulmans, défi majeur de 2017 : le combat pour l’égalité n’est pas vain

Édito
10 juin 2015

Le rapport de la France avec ses citoyens musulmans est certainement l’un des défis les plus importants qui se dresse devant nous. Il risque, pour le meilleur ou pour le pire, d’être un enjeu majeur des élections de 2017. Il est essentiel et déterminant, tant pour les équilibres internes de la société française que pour la place de notre pays sur l’échiquier mondial.


Deux options sont sur la table. Soit on considère qu’ils sont des Français à part entière, qu’ils jouissent des mêmes droits que les autres, ce qui ne signifie pas, bien entendu, le droit d’imposer leur vision du monde à leurs concitoyens. Il ne s’agit pas d’accéder à toutes leurs demandes, il s’agit de penser qu’ils ont le droit de les exprimer librement. Ils sont enfants de la République, avec les mêmes droits et les mêmes obligations que les autres.


Soit on considère qu’ils constituent un élément externe et étranger à la République française, qu’ils sont tolérés à la seule condition de ne pas faire de vagues et de n’émettre aucunes revendications, forcément jugées antirépublicaines et dangereuses pour la société française.


Il y a des tentatives de leur assigner dans les médias des représentants désignés de l’extérieur de leur communauté, dans lesquels ils ne se reconnaissent pas et même qu’ils rejettent et on met trop souvent en avant des musulmans à même d’alimenter un discours stigmatisant sur l’islam, ce que l’on ne fait pour aucune autre communauté.


En réalité, certains leur refusent de s’organiser de façon autonome. Pourquoi leur nier le droit de décider eux-mêmes les figures dans lesquelles ils se reconnaissent ?


La radicalisation de quelques éléments est un défi à relever. C’est un problème qu’il ne faut pas occulter, mais dont les Français musulmans ne sont, collectivement, ni responsables, ni coupables.


Certains considèrent qu’il est consubstantiel à l’islam, d’autres, qu’il est le produit d’un moment historique, un processus qui peut être combattu efficacement par un dosage de réponses sécuritaires et politiques. Que l’islamophobie et la radicalisation se nourrissent mutuellement et qu’il faut les combattre simultanément.


Peut-on penser que les musulmans ont leur place en France, à la seule condition de ne pas s’exprimer par eux-mêmes, de rester à leur place, celle qui était la leur il y a quarante ans, en bas, très loin en bas, sans aucuns droits, comme des dhimmis d’une nouvelle sorte ?


C’est trop tard. Ceux qui rêvent de cela, pour des raisons diverses ne réalisent pas le changement fondamental qui s’est opéré.


Nous pouvons choisir entre une société ouverte et dynamique, attractive et apaisée ou des affrontements sans fin, un cercle vicieux où les extrémistes se nourrissent mutuellement.


Les musulmans français ni ne partiront, ni ne se courberont. Ils veulent prendre place à la table de la République. Ils ont déjà formé une classe moyenne supérieure qui accède aux responsabilités. Vouloir les exclure n’est ni possible, ni souhaitable. Et cela donne, à l’extérieur, une image dégradée de la France, aux antipodes de sa tradition d’ouverture et d’universalisme.


Les musulmans français ne sont plus majoritairement des ouvriers non qualifiés dont le principal objectif est de regagner, sans être victimes de ratonnades, leur foyer Sonacotra, comme dans les années 70. Nombre d’entre eux sont ingénieurs, professeurs, avocats, médecins, etc.


Si le plafond de verre existe encore pour les responsables politiques, préfets, généraux, chefs d’entreprise, il y a une classe moyenne supérieure dont on parle peu, ou pas, qui s’est développée. Cela doit d’ailleurs être un motif d’espoir et de mobilisation pour nos compatriotes musulmans.


Ils ont raison de dire qu’ils sont plus discriminés que le reste de leurs compatriotes français – Roms exceptés – mais ils doivent réaliser que des progrès, fort heureusement, ont eu lieu, et que le combat pour l’égalité n’est pas vain, qu’il faut au contraire le poursuivre parce qu’il paye.

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