L'édito de Pascal Boniface

Canal Plus/BeIN Sport : la chaîne cryptée en guerre contre le Qatar

Édito
2 avril 2013
Le point de vue de Pascal Boniface
Ce mardi, Canal Plus va diffuser le match opposant le Paris-Saint-Germain au FC Barcelone et va certainement réaliser l’une des meilleures audiences de l’année.  
Le fait que le PSG puisse être confronté, à ce stade de la compétition, à la meilleure équipe du monde est largement dû aux investissements du Qatar dans le club. Alors que Colony Capital, l’ancien propriétaire, était plus intéressé par les aspects immobiliers (gestion du Parc des Princes), le fond qatari qui a acheté le PSG lui a donné les moyens d’être performant sur le plan sportif.
 
Pourtant, Canal Plus a lancé une guerre en sourdine contre le Qatar. Il est parti à l’assaut de l’Élysée en plaidant que la concurrence était faussée par la chaîne qatari BeIN Sport.
 
Selon l’argumentation des dirigeants de Canal Plus, cette chaîne mène une politique économiquement irrationnelle en surpayant les droits télévisés des compétitions sportives rendant l’offre de Canal moins attractive pour les abonnés.
 

Un travail de sensibilisation auprès de l’Élysée


 
Cet argument privé contredit la communication publique de la chaîne qui consiste à dire que Canal continue à avoir la meilleure offre pour ses abonnés. Le danger est de rendre la chaîne incapable de soutenir comme elle le fait le cinéma français. Canal essaye donc de sensibiliser l’Élysée sur le danger qui pèserait sur le financement du cinéma français.
 
Ses responsables mettent également en avant les liens de Nicolas Sarkozy avec le Qatar pour obtenir l’aide de la gauche au pouvoir. Un des conseillers communication de Canal avait également suggéré de présenter la chaîne qatari comme une chaîne islamiste pour effrayer le bon peuple français et ses dirigeants, argument que les dirigeants de la chaîne cryptée ont eu l’intelligence de ne pas suivre.
 
Les responsables du football français, qu’il s’agisse du président de la Fédération française de football (FFF), Noël Le Graët, ou du président de la Ligue professionnelle de football (LFP), Frédéric Thiriez, se réjouissent de l’arrivée des Qataris dans le football français.
 
Sans eux, le PSG n’atteindrait pas un tel niveau de compétitivité. Sans l’arrivée de BeIN Sport, Canal Plus bénéficierait d’un monopole qui aurait très fortement réduit les droits télévisés que touche le football et dont une partie est reversée au sport amateur.
 

Mobiliser les milieux de la culture


 
Outre les performances du PSG en Ligue des champions, l’arrivée de vedettes comme Ibrahimovic ou Beckham suscite un intérêt pour la Ligue 1 en dehors de nos frontières qui n’avait jamais existé auparavant. Le championnat français devient plus attractif et plus visible au niveau international.
 
Les responsables du sport français sont très peu sensibles aux arguments de Canal. Ils estiment que les dirigeants de la chaîne cryptée sont des libéraux qui refusent la concurrence et aimeraient continuer à disposer d’un monopole. Il arrive en fait à Canal Plus ce qui est arrivé à France Télévisions lorsque Canal s’est mis en quête d’acquérir le droit de diffusion des compétitions sportives. La concurrence a joué en faveur de Canal Plus qui désormais a du mal à admettre qu’elle joue en faveur de BeIN Sport.
 
L’argument de "BeIn Sport, chaîne de Sarkozy" est une habilité qui a ses limites. S’il est vrai que Nicolas Sarkozy entretenait et continue d’entretenir avec le Qatar les meilleures relations, l’intérêt du Qatar pour la France et antérieure à 2007. Par ailleurs, François Hollande s’il ne veut pas faire du Qatar son unique interlocuteur dans le Golfe sait très bien que l’intérêt national de la France est de continuer à avoir une coopération fructueuse avec l’Émirat.
 
La grande force de l’argumentation de Canal est de mobiliser des milieux de la culture contre les milieux du sport, les premiers pèsent beaucoup plus lourd en lobbying que les seconds. Les responsables politiques ont toujours été sensibles aux arguments des milieux culturels et souvent jugé de haut ceux du monde sportif.
 
Mais toutes les sociétés françaises intéressées par les marchés de la Coupe du monde 2022 pourraient venir aux secours du monde du sport.
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