L'édito de Pascal Boniface

François Hollande a vu la pièce de BHL au théâtre : une erreur, pour 3 raisons

Édito
7 octobre 2014
Le point de vue de Pascal Boniface

François Hollande, à la suite de son prédécesseur et de son Premier ministre, est allé vendredi soir à la représentation de la pièce de Bernard Henri-Lévy « Hôtel Europe » avant d’aller dîner avec l’auteur.


Cela pose trois séries de questions.


La première, anodine, est d’ordre psychologique : être président est stressant et François Hollande est sur-occupé et soumis à de multiples pressions. S’il veut se détendre, n’a-t-il pas mieux à faire que d’aller subir une pièce que le public déserte ?


En dehors du cercle des courtisans de BHL, ceux qui l’ont vu en disent pis que pendre du fait de son aspect outrancier et ennuyeux. Faut-il de surcroît devoir subir un dîner avec un personnage aussi imbu de lui-même ?


Franchement, on peut craindre pour le moral du président après une telle épreuve.


Manifestement, François Hollande n’y est pas allé par plaisir, mais parce qu’il devait penser que c’était utile. C’est ce qui est plus grave. Qu’est-ce que cela dit de l’appréciation du président de la société française ?


Aller voir cette pièce, et plus encore le faire savoir, est bien sûr une opération de communication politique. Au plus bas des sondages, est-ce vraiment la meilleure façon de remonter la pente ? François Hollande n’a-t-il pas compris que BHL est aussi central dans le microcosme médiatique que rejeté par le public ?1


N’est-ce pas une preuve de l’enfermement de nos élites dans une bulle politico-médiatique ? N’est-ce justement pas cela que leur reprochent les électeurs, qui de plus se réfugient dans le vote protestataire ?


Comment François Hollande peut-il espérer retrouver un contact avec l’opinion en s’affichant avec BHL, alors que cette dernière l’ignore ou le rejette ? La désaffection de l’électorat populaire ne suit-elle pas le rejet de ces personnes qui s’affichent de gauche sans jamais s’occuper de social, de ces élites qui méprisent le peuple, ne connaissent rien de ses difficultés tout en faisant en permanence des leçons de morale ?


La troisième série de questions concerne la politique étrangère de la France.


Ce même jour, la Suède était le premier pays de l’Union européenne à reconnaître l’État de Palestine (certains l’avaient déjà fait avant de rejoindre l’Union européenne). On aurait pu espérer ou penser que la France, patrie des droits de l’homme, qui aime se penser comme le pays pionnier en matière de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et qui pendant très longtemps a été au cœur de la reconnaissance des droits du peuple palestinien, aurait pu être le premier pays à faire un tel geste.


Cette position, qui la distinguait des autres pays occidentaux, lui donnait une grande popularité non seulement dans le monde arabe, mais dans les opinions des pays du sud. Laurent Fabius, dans son discours devant les ambassadeurs fin août, avait déclaré que la France reconnaîtrait la Palestine, il est vrai avec la réserve de la formule « le temps venu ». La proposition numéro 59 de François Hollande allait en ce sens et cela était un élément de différenciation avec Nicolas Sarkozy.


De façon difficilement compréhensible, François Hollande, depuis son élection, s’est montré nettement plus en réserve sur ces aspects. Aller applaudir et dîner avec celui qui a justifié les bombardements sur la population civile de Gaza et qui a traité d’antisémites ceux qui manifestaient contre ces bombardements (en faisant un amalgame honteux entre des milliers de personnes qui manifestaient pour la paix et quelques individus qui criaient des slogans antisémites), qui affirme être pour la paix mais n’a jamais pris aucune distance avec l’action des gouvernements israéliens même lorsque l’extrême-droite y est très présente et qui aime à se présenter comme exerçant, de la Libye à l’Ukraine, une influence sur la détermination de notre politique étrangère, n’est certainement pas le meilleur signal envoyé.


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1. Dans son livre récit de la campagne électorale de 2012, Laurent Binet (Rien ne s’est passé comme prévu, Grasset, août 2012) raconte déjà qu’il apprend effondré que Hollande a déjeuné avec BHL. : « Faut-il être à ce point déconnecté du monde extérieur pour ne pas se rendre compte de l’impact catastrophique d’une telle rencontre ? »

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