L'édito de Pascal Boniface

BHL, conseiller diplomatique de Sarkozy?

Édito
11 mars 2011
Le point de vue de Pascal Boniface

Nicolas Sarkozy s’est emparé du dossier libyen et apparaît en pointe parmi les dirigeants occidentaux pour affronter le colonel Kadhafi.
Zone d’interdiction aérienne, frappes ciblées, figurent parmi ses propositions. Il a d’ores et déjà reconnu le Conseil national de transition comme étant le représentant légitime de la Libye.

Comment expliquer cet activisme soudain ? Il y a la volonté d’effacer l’image de la réception en grande pompe du colonel Kadhafi. Il y a également la volonté de paraître en avance sur le dossier libyen pour répondre aux critiques d’avoir été en retard sur la Tunisie et l’Égypte. Il y a également une dimension de reconquête de l’opinion publique française, qui ne porte pas Kadhafi dans son cœur et a une sympathie naturelle pour les insurgés. Les pays européens vont cependant certainement penser dans leur for intérieur que la France a fait cavalier seul et qu’elle aurait pu éviter de les mettre devant un fait accompli médiatique.

Le régime du colonel Kadhafi est condamné, même s’il rétablit provisoirement la situation militaire, à terme il tombera. Il ne parviendra pas une nouvelle fois à être réintégré dans la communauté internationale. La seule question qui se pose est donc de savoir combien de temps peut-il durer et combien y aura-t-il de morts avant sa chute ? Plus tôt il tombera, mieux ce sera.

Ceci posé, quelle est la meilleure démarche à suivre ? Militairement, une zone d’exclusion aérienne, voire des frappes ciblées sur son dispositif militaire, ne représentent pas de difficultés majeures. Cela ne le fera pas pour autant tomber en 24 heures mais viendra limiter ses capacités d’action et accélérera donc sa chute. Le problème n’est pas militaire mais politique. Sans un mandat de l’ONU on risque d’alimenter les débats sur le néocolonialisme occidental. Une intervention purement occidentale ne sera pas considérée, à tort ou à raison, comme étant au service du peuple libyen, mais à celui de la domination occidentale du monde. La Russie et la Chine sont pour le moment défavorables à un vote au Conseil de sécurité, mais elles peuvent changer d’avis en fonction de l’évolution de la situation et d’un travail diplomatique en leur direction. Cela peut prendre encore un peu de temps mais guère plus que les solutions militaires qui sont aujourd’hui envisagées. Le problème n’est pas de savoir si Kadhafi doit tomber ou non. Pour le peuple libyen, pour l’ensemble des démocraties arabes, il est préférable qu’il tombe. Mais il convient de s’opposer à lui efficacement et non de partir de postures médiatiques qui sont populaires dans l’opinion mais qui peuvent s’avérer contre-productives à long terme.

Le fait que Bernard Henri Lévy soit à l’origine de la réception des chefs de l’opposition par Nicolas Sarkozy suscite l’inquiétude. La France va-t-elle favoriser une politique médiatique populaire à court terme, par rapport au choix de solutions réalistes qui permettent de modifier le rapport de forces ? Que peut penser Alain Juppé de ce type d’interférences ?

En 1990 comme en 2003, l’Irak a été militairement vaincu. En 1990, ce fut par une coalition multilatérale, avec participation arabe et feu vert de l’ONU, une source stratégique. En 2003, ce fut une guerre unilatérale, une faillite stratégique.


 

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