L'édito de Pascal Boniface

Pape Diouf : « Youssou N’Dour peut faire perdre Wade »

Édito
9 janvier 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
L’ancien président de l’O.M a toujours eu un regard vif sur le football comme sur la politique. Actuellement à Dakar, ce « spectateur engagé » a évoqué avec moi la future élection présidentielle au Sénégal, son pays d’origine.

1. Comment se présente l’élection présidentielle au Sénégal prévue le 26 février ?

« Il n’y a pas de risque de fraude possible le fichier électoral est correctement établi et la presse exerce son attention. Mais la situation politique est assez confuse et le restera tant que le Conseil Constitutionnel n’aura pas statué sur la validité de la candidature d’Abdoulaye Wade. Le problème est que cette décision risque dans tous les cas de susciter des troubles. Soit la candidature de Wade est validée et ses adversaires seront tentés de semer le trouble, soit elle ne l’est pas et alors les plus radicaux de ses partisans auront la même envie. La décision du Conseil Constitutionnel est donc contestée par avance. Il y a des tensions palpables. Le problème survient dans un contexte économique et social délicat. Il y a donc des risques de dérapage. »
2. Wade doit il se représenter ?

« Le Sénégal a été le laboratoire de la démocratie en Afrique. Le pays a, en grande partie, cette aura internationale, grâce à ses deux anciens présidents Senghor et Abou Diouf. Le premier a préparé sa succession sans s’accrocher au pouvoir, à une époque où tous les leaders africains le faisaient. Le second a été salué par la manière dont il a reconnu sa défaite électorale, alors même que certains de ses proches le poussaient à s’accrocher au pouvoir.
Wade a eu l’immense mérite d’installer l’alternance et la fin d’un certain fatalisme politique. Bien sûr, si le Conseil Constitutionnel valide sa candidature il aura, comme tout autre, le droit de se présenter. Mais il doit tenir compte de l’image du pays et du contexte général.
Il ne faudrait pas que Wade gâche le prestige dont jouit le pays par entêtement et poussé par son entourage. »

3. Youssou N’Dour peut-il bouleverser les données politiques ?

« Sa candidature est diversement appréciée. Il y a un syndrome particulier en Afrique et encore plus au Sénégal ; tout homme politique doit nécessairement avoir une formation intellectuelle importante.
Le ministre de la Justice doit être juriste, celui de la Santé est nécessairement un médecin. Ce n’est pas très logique car un responsable politique doit trancher sur la base d’avis techniques et non pas tout savoir lui-même. Mais c’est ainsi en Afrique et plus encore au Sénégal. Pour certains, la candidature de Youssou N’Dour est fantaisiste, voire farfelue. Il n’a pas forcément l’intention de gagner l’élection mais plus de faire battre Wade. Il pourra également mesurer sa propre influence dans le pays.
Le vrai problème de l’opposition c’est son manque d’unité. S’il y avait une candidature unique de l’élection, l’opposition serait certaine de gagner. Mais elle est divisée. Si Wade est habilité à se présenter, il peut l’emporter. »
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