L'édito de Pascal Boniface

Reconnaissance de l’État palestinien : la France doit prendre parti et voter oui

Édito
12 décembre 2014
Le point de vue de Pascal Boniface

Vendredi 28 novembre, les députés vont se prononcer sur la reconnaissance de l’État palestinien.


Ce vote, quel que soit son résultat, n’aura pas de répercussions concrètes. C’est au final au président de la République de décider et il se montre réticent sur ce point. Quand bien même il franchirait le pas, la situation sur le terrain ne changerait pas d’un iota.


Mais ce vote est néanmoins politiquement important. Si ce n’était pas le cas, l’ambassade d’Israël, le Crif et bien d’autres n’auraient pas déployé autant d’énergie pour qu’il n’ait pas lieu.


Les communistes, les verts et dans leur immense majorité les socialistes, vont voter pour. De nombreux leaders de l’UMP dont Nicolas Sarkozy se sont prononcés contre. Une partie des parlementaires UMP ne respecteront pas cette consigne.


On assiste à une curieuse évolution, un peu comme si l’UMP abandonnait une position gaullo-chiraquienne et que les socialistes rompaient avec la SFIO.


On assiste à un changement de génération sur ce point au PS. Mais le PS renoue en fait avec les positions de Mitterrand, qui reconnaissait aux Palestiniens le droit d’avoir un Etat dans un discours à la Knesset dès 1982. Il avait accepté la visite d’Arafat en France en 1988, contre l’avis des instances communautaires juives et de nombreux parlementaires socialistes.


Les arguments employés pour ne pas voter en faveur de la reconnaissance laissent pour le moins dubitatif. Des élus UMP ont décidé de ne pas s’en mêler et envisagent de ne pas prendre part au vote. Mais ne pas voter en faveur de la reconnaissance de la Palestine, c’est bien prendre parti : celui de l’actuel gouvernement israélien, coalition de droite et d’extrême-droite.


Par ailleurs, il peut paraître pour le moins curieux que des hommes politiques importants se réclamant du gaullisme préconise l’inaction, le silence, l’abstention et l’absence de prise de parti. La France n’a pas vocation à se taire ou à se cacher. Elle se veut une puissance qui s’exprime haut et fort et qui fait des choix, même si ces derniers ne plaisent pas à tous.


La reconnaissance de la Palestine est un large mouvement qui a déjà gagné 135 pays dans le monde et en Europe. La Suède a franchi le pas.


Il serait pour le moins curieux que la France, qui s’est toujours voulue à la pointe de la promotion du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en général – de la reconnaissance du droit des Palestiniens en particulier –, soit tout d’un coup en dehors du mouvement général de l’Histoire. Elle est d’ailleurs déjà en retard.


Au XXIe siècle, moins que jamais l’occupation d’un peuple par un autre – et la répression qu’elle entraîne forcément – n’est pas acceptable. Et la France, si elle veut rester fidèle à ses principes et à son histoire ne peut l’accepter, ni rester volontairement impuissante.


Certains disent que l’on risque d’importer le conflit israélo-palestinien en votant pour la reconnaissance de la Palestine. Ce qui est curieux c’est que ceux qui emploient cet argument sont généralement les mêmes à réclamer une solidarité sans faille avec le gouvernement israélien, quelle que soit l’action de ce dernier. Ce sont parfois ceux qui combattent vivement ceux qui ne partagent pas leur conviction, ceux qui parfois font un amalgame entre antisémitisme et critique de l’action du gouvernement israélien.


Le conflit est largement importé et depuis longtemps en France. Certains soutiennent Israël, c’est leur droit. Mais ils ne peuvent pas demander qu’il soit interdit à d’autres Français de soutenir la cause palestinienne et l’autodétermination des peuples.


L’argument de l’unilatéralisme fait également sourire car s’il y a bien un gouvernement qui fait de l’unilatéralisme une philosophie, un mode d’action, c’est bien le gouvernement israélien. Mahmoud Abbas a choisi la voie multilatérale, onusienne, diplomatique : c’est la seule qui permette d’échapper à l’affrontement armé ou à la poursuite de l’occupation et l’intensification de la colonisation et du cycle de violence qu’elle entretient.


Dire que la reconnaissance va venir gêner la négociation serait comique si la situation n’était pas tragique sur place.


Qui ne voit que l’actuel processus fait au mieux de négociations en trompe-l’œil, dont le seul objectif est de servir de produit masquant à l’occupation et la répression, au pire des bombardements de populations civiles comme on l’a vu l’été dernier, ne peut que nourrir l’extrémisme et le terrorisme ?


L’absence totale de perspectives politiques, en espérant que le temps joue pour Israël, ne conduit pas à une impasse ou au statu quo, mais est une route royale pour l’explosion de violences et de haine.

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