L'édito de Pascal Boniface

« Parlons vélo » – 3 questions à Marc Madiot

Édito
1 septembre 2015
Le point de vue de Pascal Boniface
Dans son livre qui intéressera tous ceux qui au minimum suivent le Tour de France, Marc Madiot décrit avec lucidité l’évolution du sport cycliste mondial sans tomber dans le piège d’une nostalgie d’un âge d’or révolu. On sent l’homme attaché à son sport, son terroir, ses valeurs et parle sans détours. Humainement et sportivement, Madiot ne triche pas.
Marc Madiot est manager général de l’équipe FDJ et président de la Ligue nationale de cyclisme. Il vient de publier « Parlons vélo », aux éditions Talent sport.

Peut-on dire que le cyclisme est devenu un sport mondialisé ?
Il n’est pas encore totalement mondialisé mais le processus est enclenché. On peut le constater, par exemple, avec le Centre mondial du cyclisme (CMC), qui abrite l’Union cycliste internationale (UCI). C’est une organisation qui permet à des jeunes athlètes de « nations isolées » de s’entraîner et de se frotter aux meilleurs dans les catégories jeunes au niveau mondial, par rapport à la vieille Europe. Et c’est de cette façon que se retrouvent des Sud-Américains, des Chinois, comme le Chilien, maillot jaune du « Tour de l’avenir » il y a quelques jours. Tous sont venus par le CMC ; et donc des quatre coins du monde. De jeunes coureurs, venant de pays parfois inattendus, font partie du CMC, arrivent parfois au plus haut niveau international, acquièrent un niveau professionnel ou font carrière sur la piste. Au niveau des coureurs, les jeunes athlètes issus de nations n’ayant pas une grande culture cycliste sont de plus en plus nombreux à accéder au niveau international.
Pour ce qui est des courses, l’UCI a certainement voulu précipiter à une époque la création totalement artificielle de courses dans différents endroits du monde. Il ne me semble pas que c’eût été la meilleure des décisions car il a surtout été question d’aller vite sur ces projets et de dégager le plus d’argent possible. Cependant, de bonnes choses ont été réalisées, notamment en implantant vraiment des courses dans les pays en faisant participer avec des personnalités locales qui se sont mobilisées pour organiser l’épreuve – comme au Canada où les épreuves de Montréal et de Québec vont avoir lieu dans quelques jours. La même chose peut être observée en Australie avec le tour Down under, développé avec le soutien du pays au niveau du World Tour, mais dont l’organisation était déjà locale.
Vouloir aller trop vite représente un problème. Par exemple, en Chine, les projets avec les organisations cyclistes ont été un échec total. Il y avait des moyens financiers et de la volonté, mais la promesse consistant à faire participer les grands vainqueurs du Tour de France à Pékin n’a jamais été tenue. Les investissements chinois excédaient largement le résultat décevant et cette course a finalement été abandonnée après quatre ans d’existence.
En Afrique, le soutien aux initiatives locales commence à s’enraciner comme au Burkina Faso et au Gabon.
Le succès de l’implantation d’un sport, ne peut se réaliser qu’avec l’adhésion des personnalités locales. Il ne faut pas privilégier de grands évènements spectaculaires éphémères.

Comment concilier mondialisation et préservation du cyclisme français?
Cette conciliation doit être progressive. Elle ne peut pas se faire au détriment des courses existant déjà en Italie ou en France par exemple. Il y avait des courses de préparation pour le tour de Lombardie régulières, solides et pérennes mais elles ont été abandonnées pour permettre à la Chine d’organiser des courses. Il faut que le cyclisme chinois existe mais pas au détriment des autres courses et nations. Une attention particulière est nécessaire afin de trouver un compromis sur les courses des différents continents.
Un autre problème se pose : un cycliste n’est pas un joueur de tennis, il ne peut pas prendre l’avion et changer de lieu toutes les semaines, voyager d’un continent à l’autre, notamment à cause des problèmes de climats (décalage des saisons difficile à gérer entre l’Australie et l’Europe au mois de janvier). D’autres sports s’adaptent beaucoup plus facilement à ces problématiques.

Quels sont les principaux défis à relever pour le cyclisme?
Il faut finir de rétablir la crédibilité du cyclisme, et s’attaquer ensuite à la course en elle-même. Les courses peuvent être très stéréotypées dans beaucoup d’évènements. Le Tour de France, par exemple, comprend beaucoup d’étapes qui se débloquent dans les vingt derniers kilomètres. Il y a des modifications à apporter en termes de participation dans les épreuves : peut-être faudrait-il baisser le nombre de coureurs par équipe, pour avoir une course moins contrôlée et moins verrouillée qui serait plus dynamique et gagnerait en intérêt pour les spectateurs.
Une étape contrôlée par des sprinters peut s’avérer très intéressante parfois, mais toutes les étapes ne peuvent pas se ressembler. Le risque est de proposer un évènement sportif difficile à suivre et compliqué à « vendre ».
Des efforts sont à faire dans ce domaine, en termes de nombre d’équipes, de nombre de coureurs par équipe, de réduction de certaines courses – la course Paris-Nice dure huit jours mais il est possible de la réduire à six jours pour libérer ces jours de course et permettre à d’autres continents d’accueillir des épreuves sur trois ou quatre jours.

La bataille contre le dopage est-elle en voie de réussir ?
De grands progrès ont été faits, la lutte anti-dopage dans le cyclisme est de plus en plus crédible. Mais le dopage ne sera jamais définitivement éradiqué car la nature humaine continuera d’essayer de contourner les règles pour être le meilleur.
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