L'édito de Pascal Boniface

Henri Weber, l’horizon européen de la social-démocratie

Édito
8 février 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
Henri Weber est très certainement l’un des responsables socialistes actuels dont la réflexion politique et l’horizon historique sont les plus larges. Il a publié, en août 2011, La nouvelle frontière (Seuil). Ce livre n’est pas un livre programme, qui met en scène son auteur, comme souvent les livres politiques, mais une réflexion de fond sur les causes de l’échec de la social-démocratie européenne et les conditions de sa renaissance.

Il pense que la social-démocratie doit renouer avec l’internationalisme de ses origines et réellement penser et agir comme un acteur transnational et pour commencer européen.
Citant Brzezinski, il écrit « Il n’y a plus de menace à nos frontières, mais il n’y a plus non plus de frontières à nos menaces. »

Que doit faire la social-démocratie ? Elle doit rompre avec le productivisme pour se diriger vers l’éco-socialisme et redéfinir un nouveau militantisme. Les marchés, les entreprises et la production sont globalisés, alors que les Etats, les partis et les syndicats sont restés des acteurs nationaux. Il faut élargir leur horizon.

La nouvelle extrême droite européenne a mis au second plan son discours raciste traditionnel. L’immigré ne doit plus être renvoyé dans sa brousse parce qu’il est un être inférieur et pernicieux, qui menace la pureté de la race, il doit l’être parce qu’il veut le travail des nationaux et veut leur imposer la charia.
Le compromis social-démocrate d’après-guerre sur le système de santé, l’indemnisation du chômage, l’éducation nationale, la durée hebdomadaire du travail et l’intervention de l’État dans la vie économique, est rentré en crise à la fin du siècle dernier.

Les compromis défensifs de crise appliqués par la social-démocratie se caractérisent par tous pour le même deal. Accepter la libéralisation de l’économie, la déréglementation des marchés, des biens et services, des capitaux, en retour les parties attendent des chefs d’entreprise et des financiers qu’ils investissent, qu’ils innovent, qu’ils conquièrent des parts de marché dans la nouvelle division internationale du travail mais chacun appliquait des politiques étroitement nationales souvent non coopératives alors que la réponse et les problèmes sont globaux.

Face à cela, la grande erreur de la social-démocratie est d’avoir inventé et suivi des choix nationaux.
Les socialistes allemands ont adopté un compromis historique avec le patronat pour sauver la puissance industrielle et exportatrice de l’Allemagne. La consommation intérieure allemande a stagné pendant que les exportations explosaient. Les travaillistes britanniques ont confirmé le choix de la spécialisation de l’économie dans l’industrie financière, en conservant une fiscalité favorable au capital.

Promouvoir le juste échange, créer une agence de notation publique européenne, mettre en place une taxe Tobin, la social-démocratie doit s’engager plus qu’elle ne le fait dans la lutte idéologique. « Les batailles se gagnent, se perdent d’abord dans les têtes », rappelle Weber. C’est ainsi que la droite conservatrice libérale a réussi à persuader une majorité de citoyens dans les années 70 que les marchés étaient efficients et capables d’autorégulation. Il appelle « les élus et les gestionnaires avisés » qui forment les groupes dirigeants des partis socialistes à s’astreindre à lever de temps en temps le biais de leur guidon pour s’investir personnellement dans ces réflexions et ces débats. Il le fait lui avec bonheur. Effectivement ce serait bon qu’il ne soit pas trop isolé.
Tous les éditos