L'édito de Pascal Boniface

Tunisie : le meurtre de Chokri Belaïd, preuve que la révolution est un long processus

Édito
7 février 2013
Le point de vue de Pascal Boniface
L’assassinat de Chokri Belaï est un acte particulièrement grave. C’est un assassinat politique, un acte incompatible avec la démocratie. La définition même de ce régime est que chacun puisse s’exprimer sans craindre pour sa liberté et encore moins pour sa vie.

Le gouvernement tunisien ne doit pas s’arrêter à une condamnation de principe

Les commanditaires de ce crime ont pour but d’établir un climat de terreur et de faire taire les opposants. Des affrontements violents ont suivi. Il y a un risque évident de turbulences fortes. Certains évoquent le risque de chaos ou de guerre civile. On ne peut bien sûr l’écarter totalement, ne serait-ce que pour rester vigilant. Certes, ce n’est pas parce que personne n’y a intérêt que cela ne peut pas survenir. Il semble cependant que le plus probable est que l’on puisse éviter ces extrémités.

La piste évidente remonte bien sûr à des islamistes extrémistes dont Chokri Belaïd était la bête noire. Il faut surtout espérer que le gouvernement tunisien ne s’arrêtera pas à une condamnation de principe de ce meurtre et diligentera tous les moyens possibles pour en retrouver le plus rapidement possible l’auteur et les commanditaires. Trop de violences contre des laïcs ont été impunies dans un passé récent.

La démocratie ne s’acquiert pas en quelques mois

Les islamistes ne parviennent pas, malgré leurs tentatives directes ou indirectes, à établir l’ordre. Il y a en Tunisie, comme en Égypte, de fortes résistances de la société civile. La révolution est un processus long ; la démocratie paisible et stable ne peut pas être instaurée en quelques mois.

Le combat est encore long. Il est et sera douloureux. Il sera fait de progrès et de retour en arrière, d’avancées et de reculs, mais sur le moyen et long termes, les peuples n’abandonneront pas les libertés qu’ils ont acquises.

Il ne faut pas être dans le déni de réalité – la situation est loin d’être stabilisée –, ni dans l’alarmisme excessif par manque de recul. L’ordre islamiste ne règne pas, d’où d’ailleurs les violences, mais nous ne sommes pas dans une situation de guerre civile.

Malgré les violences et les difficultés, il vaut mieux aujourd’hui être tunisien ou égyptien que libyen ou irakien. Les pays qui ont fait par eux-mêmes la révolution sont dans un meilleur état que ceux où le changement de régime a été obtenu par la force militaire, et surtout par la force militaire étrangère.
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