L'édito de Pascal Boniface

Taxe à 75% dans le football : faut-il punir les Ibrahimović et exonérer les Cahuzac ?

Édito
10 avril 2013
Le point de vue de Pascal Boniface
Je n’ai jamais fait mystère de mon intérêt pour le football. Je sais qu’il n’est pas sans défaut mais sa contribution est largement positive.
 
La société française n’irait pas mieux mais au contraire beaucoup plus mal si le football professionnel et amateur n’existaient pas. Je pense qu’il est très souvent injustement attaqué parce que c’est une cible visible et facile, qui suscite la jalousie. Il y a également, derrière les critiques, une bonne dose de mépris social, pour un sport populaire.
 

Les clubs, des équipes à l’équilibre fragile


 
Je ne suis pas pour autant toujours d’accord avec les autorités du football. Lorsque les dirigeants du football professionnel se sont exprimés pour exonérer les footballeurs de l’imposition à 75% pour les revenus supérieurs à 1 million d’euros que prévoyait le gouvernement, j’ai trouvé que c’était une erreur. Cette demande n’avait aucune chance d’aboutir et elle pouvait conforter l’image de "privilégiés" refusant toute solidarité.
 
Je me sens donc d’autant plus libre aujourd’hui pour, à l’inverse, déplorer la nouvelle forme d’imposition qui fera peser sur les employeurs, en l’occurrence les clubs professionnels, la nouvelle taxation prévue après le rejet du projet initial par le Conseil constitutionnel.
 
Les footballeurs sont des individus qui doivent avoir les mêmes droits et les mêmes obligations que les autres personnes résidentes en France. Les clubs sont des entreprises dont l’équilibre est fragile. Le changement sur le droit à l’image (sur des contrats déjà signés) avait déjà affaibli les clubs. Il serait dangereux pour une mesure apparemment de bon sens de prendre le risque d’en mettre en faillite quelques-uns.
 
Au final, ils paieraient moins d’impôts et supprimeraient des emplois. Ce n’est pas l’objectif. Ne faut-il pas faire preuve de pragmatisme ?
 

Exonérer les PME ?


 
Les contrats avec les footballeurs ont été signés avant que la fiscalité ne vienne changer les règles. Ce sont des contrats à durée déterminée sur des périodes allant généralement de deux à quatre ans.
 
A-t-on réfléchi à l’image que nous donnerions à l’étranger si des clubs importants devaient mettre la clé sous la porte, non pas à cause d’une gestion hasardeuse, mais à cause d’un changement en cours de partie des règles du jeu fiscal ?
 
On parle d’exonérer les PME par rapport aux grosses entreprises. C’est une piste. Une autre serait d’appliquer la règle pour les CDI, mais pour ce qui est des CDD, ne le faire peser que sur les contrats à venir.
 
Il y a de plus en plus, dans le transfert de l’imposition des individus aux entreprises, une très grande iniquité. Le même niveau de revenus ne signifiera pas le même niveau d’imposition. Les honoraires seront exonérés et les salaires taxés.
 

Professions intellectuelles vs. sportifs


 
Artistes, chanteurs, comédiens, consultants de haut vol, professions libérales les mieux rémunérées vont échapper à cette nouvelle imposition parce qu’ils ne sont pas salariés directement par des entreprises.
 
C’est une façon de reproduire l’éternel mépris selon lequel la ou les professions intellectuelles doivent être privilégiées et que le sportif ne mérite pas tant de considérations.
 
Et on va arriver au résultat qu’un club de football sera astreint à cette taxe, qui ne pèserait pas par exemple sur le propriétaire d’une clinique d’implants capillaires, qui paie ses chirurgiens en honoraires.
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