L'édito de Pascal Boniface

Arbitrage, justice, omerta et ordre public

Édito
22 décembre 2011
Le point de vue de Pascal Boniface
L’arbitre assistant Johann Perruaux et le joueur Kamel Chafni ont enterré la hache de guerre. (Cf. article précédent "Il faut respecter les arbitres, il faut que les arbitres soient respectables")

Sur le conseil de leurs avocats respectifs, les deux hommes ont publié un communiqué dans lequel l’arbitre aurait reconnu s’être emporté et dit au joueur « dégage » mais sans avoir eu une expression raciste, racisme contre lequel il serait personnellement mobilisé. Le joueur a « accepté de se satisfaire de cette déclaration et de la tenir pour vraie », les deux regrettent l’exploitation médiatique de cette affaire.

Affaire close ? Non, car tout ceci laisse un goût amer.

Tout en niant les propos racistes, l’arbitre reconnaît avoir dit au joueur « dégage ». Est-ce une façon de s’exprimer lorsqu’on a une fonction d’autorité ? Aurait-il employé le même ton à l’égard de Lloris ou Gourcuff ?

La rédaction de la réaction de Chafni est vraiment à lire entre les lignes. Si on la décrypte, on voit bien qu’il n’en croit pas un mot, mais qu’il est bien contraint de faire semblant. Il semblerait en effet que les membres du club de Brest qui étaient prêts à témoigner, ont changé leurs positions, sans doute par crainte de représailles du corps arbitral à l’encontre de leur club à l’avenir. Isolé, Chafni n’avait d’autre choix que de continuer le combat seul. Cela aurait été parole contre parole. Ce type d’exercice en France est toujours favorable aux détenteurs de l’autorité.

Il semble donc que l’omerta qui triomphe. Elle n’est généralement pas la marque de la justice.

Mais cette affaire n’oppose pas que deux des individus. Elle est d’ordre public, il y va du combat contre le racisme, du respect des individus et des valeurs du football. Au moment où la fédération anglaise n’hésite pas à mettre en cause le capitaine de l’équipe nationale pour avoir tenu des propos racistes, les instances françaises porteraient une lourde responsabilité à accepter le triomphe de l’omerta. Elles doivent continuer l’enquête.
Tous les éditos