L'édito de Pascal Boniface

Une perestroïka nécessaire pour la FIFA

Édito
25 février 2016
Le point de vue de Pascal Boniface

Le nouveau président de la FIFA sera élu vendredi 26 février par les 209 électeurs des Fédérations nationales. Deux favoris se détachent : l’Européen Gianni Infantino et le Cheikh Salman de Bahreïn. Le nouveau président aura pour mission de restaurer l’image de la FIFA, gravement compromise par les accusations de corruption et le raid spectaculaire de la police à l’hôtel où se tenait le Congrès du 27 mai 2015.


Sepp Blatter n’est pas accusé d’être corrompu à titre personnel. Il a plutôt pratiqué un clientélisme à grande échelle et a fermé les yeux sur la corruption qui a avant tout concerné les confédérations sud-américaines et la CONCACAF (Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes).


Il n’y a pas plus de corruption qu’auparavant dans le football. Simplement aujourd’hui celle-ci est plus exposée. Il faut se rappeler qu’en 2006 l’Allemagne avait obtenu l’organisation de la Coupe du monde au détriment de l’Afrique du Sud grâce au changement du vote du délégué de l’Océanie au dernier moment.


La visibilité du football est sans commune mesure avec ce qu’elle était auparavant. Le raid de la police suisse en mai 2015 – évoqué précédemment – a suscité une tempête médiatique quasi équivalente au déclenchement d’une guerre. Il est certain que le football doit se réformer et gagner en transparence. Pourquoi ne pas demander à ce que les patrimoines des responsables soient rendus publics afin de pouvoir en observer l’évolution, comme cela est le cas dans de nombreux pays pour les responsables politiques ? Il pourrait également être judicieux que les votes pour l’attribution des compétitions et avant tout la Coupe du monde soient rendus publics. Il faut également féminiser la FIFA et limiter le nombre de mandats dans le temps.


Certains regrettent que le prochain président soit issu du système, craignant qu’il n’apporte pas les réformes nécessaires. Mais il est normal que le football mondial soit géré par quelqu’un qui n’est pas entièrement nouveau et qui a une bonne connaissance du sport et de sa gouvernance. Le nouveau président sera de toute façon, sous la pression du public, des médias et des sponsors, obligé de réformer et d’amener davantage de transparence. Venir de l’extérieur n’amène aucune garantie et peut même susciter des doutes sur sa compétence. Après tout, c’est bien de l’intérieur du système que Gorbatchev en Union soviétique ou De Klerk en Afrique du Sud ont entrepris de dynamiter un système oppressif.


Au vu des candidats, on peut néanmoins regretter que Michel Platini n’ait pas pu se présenter, tant sa personnalité est hors de proportion avec les deux favoris actuels. Le cheikh Salman a l’appui des confédérations asiatiques et africaines mais il n’y a pas de vote en bloc et chaque délégué fera son choix. Il était mis en cause dans la répression de son pays en 2011. Il s’est défendu d’avoir été un acteur de la violation des droits de l’Homme et l’affaire n’est pas pour le moment suffisamment documentée mais le doute ne devrait pas lui profiter. Certains délégués de la FIFA n’auront pas envie de voir un scandale éclater contre son président après l’élection. Cela renforce les chances d’un Infantino qui a par ailleurs fait des promesses de redistribution aux Fédérations africaines.


Il faudrait également réformer la Commission d’éthique qui porte très mal son nom et qui, en éliminant Platini, a procédé à un coup bas. On pourrait nommer de grandes figures, d’anciens footballeurs qui se sont investis dans des actions citoyennes à l’image du Brésilien Romário, du Français Lilian Thuram, de l’Ivoirien Didier Drogba ou du Franco-Sénégalais Pape Diouf.
Si le souci de transparence est réel, il faut néanmoins se méfier de certaines arrière-pensées. Le FBI n’aurait certainement pas ouvert une enquête de cette envergure si les États-Unis avaient obtenu l’organisation de la Coupe du monde 2022. Cette semaine, The Economist a lancé une idée qui circule beaucoup aux États-Unis : retirer à la FIFA la gestion du football mondial pour la donner à une société qui serait cotée en bourse à New York, ce qui selon l’hebdomadaire britannique donne plus de garantie de transparence. Au vu des affaires Enron et Lehman Brothers on peut en douter. Cela serait certainement un moyen de faire échapper le football au monde sportif. Le football doit se réformer mais ne doit pas être privatisé. Il faut relativiser les reproches faits à la FIFA en ayant en tête cette offensive idéologico-financière. Non la FIFA n’est pas une mafia entièrement corrompue. Oui, elle a eu des dirigeants qui ont été corrompus. La FIFA doit entamer sa perestroïka.

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